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Je suis ronde. Pas obèse. Pas grande. Pas costaude. Pas malade. Pas anormale. Je suis juste ronde.
Je ne suis jamais malade, je suis en bonne santé, mais je suis ronde. Je cours, je m’entraîne, je fais du yoga, mais je suis ronde. Je peux faire une longue randonnée en montagne, marcher des heures dans les boutiques, mais je suis ronde. Je cuisine tout moi-même et je mange sainement, mais je suis ronde. J’ai de grands yeux verts et un joli visage, mais je suis ronde. J’ai plein de qualités, j’ai de la conversation, je suis drôle, mais je suis ronde. Je porte les vêtements que j’aime et qui me moulent, mais je suis ronde. J’ai tout pour être heureuse, mais je suis ronde.
Qui a décidé que ça devait être un MAIS avant « Je suis ronde»? Si on remplaçait le MAIS par un ET?
Je suis active, belle, confiante, en santé et bien dans ma peau, ET je suis ronde. C’est possible? Oui, complètement.
Il y a peu de temps, ma mère m’a envoyé de vieilles photos de vacances toutes simples, avec mon frère et moi, enfants. J’ai eu le cœur serré et les larmes aux yeux en réalisant que, sur ces photos, je suis une petite fille « normale ». Pas grosse comme je l’ai toujours cru. Sur ces photos je vois juste une petite fille qui ne sait pas encore qu’on va faire la guerre à son corps complètement normal et en santé. En réalisant ça, j’ai eu mille questions.
À quel moment on restreint l’alimentation d’une petite fille qui est un peu plus au-dessus de la courbe, mais loin d’être anormale? Pourquoi diaboliser sa nourriture alors qu’elle n’a même pas encore conscience de son propre corps? Pourquoi un médecin proposerait-il à une mère de mettre sa petite fille au régime? Pourquoi, dès l’enfance, la culture des diètes intoxique notre relation avec notre corps, avec la nourriture, avec nous-même? Pourquoi elle nous fait nous haïr alors qu’on joue encore avec une Barbie? Pourquoi une petite fille devrait-elle se cacher dans le garage pour manger du chocolat en grande quantité juste pour être sûre de tenir pendant les prochaines privations? Est-ce que mon corps aurait trouvé son équilibre tout seul si on ne m’avait pas privée et si je n’avais pas développé cet relation amour-haine avec la nourriture?
La bouffe comme consolation, comme récompense, comme plaisir immédiat et impulsif, mais aussi la bouffe comme punition, comme interdiction, comme ennemie, comme adversaire. Pourquoi suis-je aujourd’hui incapable d’écouter les signaux de mon corps quand il me dit j’ai faim ou je n’ai plus faim? Pourquoi la bouffe ne peut juste pas être… de la simple bouffe, sans sentiment puissant et négatif rattaché à ça?
Combien de femmes, qui ont été cette petite fille, essaient de s’aimer avec toutes ces questions en tête et ces courbes sous leur robe? J’ai plein de questions, pas beaucoup de réponses.
On a toutes entendu le fameux « T’as qu’à perdre un peu! » de la bouche de nos mamans quand on peinait à fermer un jean dans une cabine d’essayage, ou « Dans 3 kilos tu le fermes! », «Rentre un peu le ventre pour voir! »
Il est plus acceptable de suffoquer dans des vêtements trop serrés que de se sentir bien dans une taille honteuse!
Encore aujourd’hui, à 32 ans, je reçois parfois, de la part de ma mère, des petites remarques en rapport avec mon poids. Pourquoi nos mamans veulent qu’on soit plus étroites, plus fines, qu’on prenne moins de place? Est-ce qu’elles adopteraient le même comportement si on était des garçons? Je suis assez persuadée que non.
Pourtant, ma maman me soutient dans tout, me complimente et m’encourage. Elle me donne confiance dans un tas de choses et me dit souvent que je suis belle. Mais, malgré tout, j’ai le sentiment que je serais un peu plus jolie pour chaque kilo perdu. Je ne lui en veux pas et je n’en veux à aucune de ces mamans qui pensent sûrement bien faire en nous disant tout ça. Ces mamans qui pensent nous protéger, nous, les filles belles et talentueuses MAIS rondes. Et ces petites phrases anodines pèsent plus lourd que le chiffre sur la balance.
Je veux juste avoir le droit d’être bien dans ma peau sans qu’on m’envoie des rappels de ma supposée non-conformité. J’ai envie de prendre toute la place que je dois prendre dans le monde, comme j’ai été faite. Je veux qu’être ronde soit une qualité, un critère de beauté et non un handicap ou un défaut à gommer.
Mon corps n’a pas besoin d’être approuvé. Par personne. Mon corps est là, il existe. Point. Il n’est pas le problème. Le problème appartient à ceux que ça gène.
Je serai la seule qui va vivre avec ce corps 24h/24, toute ma vie. Ce sera ma plus longue relation. Pourquoi devrais-je exiger des relations saines dans ma vie, avec les autres, mais pas avec lui? La vie est trop courte pour la passer à vouloir rétrécir.
Mon corps plein de courbes me fait bouger, marcher, aimer, vibrer, sentir, jouir, souffrir, goûter, pleurer, respirer, réfléchir, rire… Et j’aimerais le laisser faire, sans condition, avec toute la place et l’amour qu’il mérite.