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Au lendemain du 1er octobre 2018, je prédis…

Québec, 2 octobre 2018

Cher journal,

Oh, combien ces mots annonçant l’incipit d’un déversement de cœur d’autrefois me confortent en quelque peu, alors que mon encre nerveuse bégaie sur cette feuille mince.

Tu ne sais pas les risques que je prends à écrire aujourd’hui, ici, en ce moment. Les regards qu’on jette aux gens qui écrivent sont ceux qu’on jetait aux ivrognes perturbés se promenant dans les foules avec un canon chargé. Mais ce ne sont plus les armes qui font peur aujourd’hui, car nous en utilisons tous; depuis la rentrée de septembre, les écoliers qui apprendront l’anglais comme langage officiel de l’Amérique apprendront aussi le maniement d’armes, l’espace laissé vacant par les cours d’histoire, de français, d’éducations physique et sexuelle, d’arts et de musique qui ont été écartés. Non, les armes ne font plus peur, car ce sont avec elles qu’on argumente, par exemple, à la caisse du Wal-Mart, à la station d’essence, au magasin de poulet, au magasin de char. Au carré d’asphalte à disputer avec notre voisin.

Aujourd’hui nous avons peur des mots.  

Nous avons peur des mots qui s’écrivent dans les colonnes de médias, cuisiniers maléfiques d’une nouvelle saveur de peur à mâcher à la semaine, dans les mots qui s’ajoutent dans ces commentaires, qui remâchent à mal à leur tour, dans les graffitis de haine qu’on peint en plein jour sur les maisons des nègres, des Wops, des wetbacks, des kawishs, des tapettes, des terroristes à turban, des B.S., des ostis-d’pauvres-et-des-vieux-crisses-qui-nous-servent-à-rien. Oui. Il aura fallu mettre fin à la ségrégation, la discrimination sexuelle et la xénophobie pour qu’elles renaissent encore plus fortes et qu’on réentende, qu’on relise ces mots d’intolérance crasse que l’on croyait disparus pour toujours. Il n’aura fallu que le tapis déroulé par le peuple de l’Empereur des USA pour porter un nouveau souffle enflammé d’une haine vigoureuse de son prochain, quel qu’il soit. Ce mouvement, d’élire un porte-parole du régime de la peur comme conducteur, est mondialement devenu une terrible mode. Même chez nous, au Québec, où depuis les élections d’hier, du 1er octobre 2018, nous devons nous prosterner devant Vous Savez Qui…

On a peur des mots qui sont diffusés dans les médias nous annonçant où le feu brûle à cette heure-ci, où la plaie saigne, et combien de morts l’auront cherché.

On a peur des mots en promesses de nos hauts dirigeants qui donnent feu vert à la fantaisie de nos crimes. Il se trouve un écho entre leurs valeurs dictées du haut de leur tribune chromée qui descend jusqu’au fond de nos ghettos, qui relâchent des effluves de mazout, de sang et de poudre à canon. Ils ont créé une guerre du peuple pour nous distraire alors que nous aurions dû nous unir pour nous révolter contre eux. Ils ont enlevé le pain de farine de plâtre de la bouche des plus nécessitants et coupé aux ressources des plus malades de notre société. Les rues ne sont plus sûres. Une justice d’animal apeuré fait loi. Les femmes se font maintenant agresser devant témoins, dans des quartiers, aux intersections bondées, et les gens continuent de marcher. Les marches et les promesses de réparation de justice aux victimes d’agression des dernières années n’ont rien donné. La dernière qui a eu lieu, en décembre 2017 fut une catastrophe : muselées et paralysées par la peur, les femmes et les sympathisants à la cause féminist… (excuse-moi, je vérifie qu’on ne me surveille pas quand j’écris ces mots) étaient restés encloisonnés chez eux, murmurant que du bout d’un #hashtag. À la dernière marche qui a eu lieu pour la conservation des droits des femmes, nous étions dix-sept dans les rues, pas même assez pour faire tenir une banderole. Nous attendaient aux coins des rues des hommes se masturbant devant nous en hurlant de rire, d’autres femmes se faisant attraper par la plotte. Des policiers pouffaient de rire et les médias sur place ne voulaient qu’entendre des histoires sur nos vagins atrophiés que si on le leur montrait. Il est maintenant rendu légal pour un homme de posséder une Autochtone et d’en disposer comme il le souhaite. Il existe même un permis qui régularise les quotas, vous savez, comme il n’en reste plus beaucoup…

On a peur des mots aujourd’hui, car certains sont épiés. Certains auteurs, artistes, certaines figures d’une voix plus ouverte vus comme des redresseurs de torts, des tendeurs d’humanité, même les plus petits, se font arracher les mots, les notes, les crayons et les pinceaux. Si l’on veut s’exprimer maintenant, il faut d’abord s’inscrire et remporter un concours télé… Je dois te laisser j’entends des pas qui viennent derrière moi et j…

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