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BAD féministe environnementaliste…

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Parfois, à trop vouloir entrer dans le moule de la bonne féministe, je me rends compte que je m’enferme sous une cloche de verre. Je me fais ça à moi-même, me trouver inadéquate. Un soir, une sortie, je me retiens de me maquiller, parce que je ne veux pas participer à une industrie qui oblige les femmes à se farder pour se trouver belles ; parce que je ne veux pas utiliser des produits testés sur des animaux ; parce que je ne veux pas me crémer avec des lotions qui utilisent des plantes qui poussent en monoculture ; parce que je ne veux pas participer à la société de consommation, ouf. Grand respire.

Je suis à l’épicerie, j’avais en tête de manger des carottes, elles viennent dans un sac en plastique. Je voulais un céleri, il vient dans un sac en plastique. J’avais drôlement envie de manger des cajous, mais j’ai vu une vidéo dans laquelle les Indiennes qui les écaillent se brûlent les doigts. Je voulais acheter du tofu, mais il vient d’Asie. OÙ EST DONC MON OSTI DE TOFU CANADIEN? Grand respire.

Je suis écoresponsable, je recycle, je réutilise, je tends vers le zéro-déchet, je suis végétalienne, j’achète local autant que possible, je n’ai pas de char, et pourtant, dès que je ramène un petit-minime bout de plastique chez nous, je m’en veux pendant deux jours. Quoi faire avec ledit déchet? Comment le faire disparaître? Je voudrais qu’il n’ait jamais existé. Je me tape sur la tête comme ça, dans mon extrémisme environnemental, alors que mon voisin arrose son asphalte. Je m’en demande beaucoup, peut-être trop, je veux être une sainte écologique, une icône green, canonisée pour mes larmes propres-propres-propres. Mon surmoi, qui des fois devient tellement rigide, vaillant soldat de la rectitude, m’emprisonne moi-même. Moi qui tends à vivre dans la sérénité et l’amour et le partage et la santé, je me tue dans ma tête au moindre écart de conduite. Genre, je ne peux pas faire ça, ça serait me laisser trop de liberté.

Je me rends compte que je fais ça depuis deux ans environ : m’étouffer. Juger ma consommation. Me mettre des bâtons dans les roues de la simplicité d’esprit, du calme. Particulièrement en fonction de mes idéaux féministes et écologiques. Je voulais tellement suivre à la lettre mon protocole de la bonne féministe que j’en suis devenue l’envers. Paradoxalement, je me suis mise à juger des femmes que je trouvais moins disponibles et ouvertes à la cause. Et juger ces femmes me faisait me sentir mauvaise, et alors ça tournait comme ça, en rond, en un cercle ben vicieux. Je suis contente de m’être rendue compte que ça n’allait plus ; que dans ma quête de perfectionnisme, j’ai oublié l’humain.e et sa liberté. À un moment donné, j’ai beau vouloir être la Wonder Woman du granola, je ne peux pas sauver la planète à moi toute seule. Il faut que je me perce des petits trous d’air pour respirer un peu, aussi pour ne pas exploser. Ça devient si lourd de trop vouloir être comme ci ou comme ça qu’au final, ça n’est pas salutaire pantoute.

On en voit passer pas mal, ces dernières années, des livres sur le droit d’être imparfait. Ça passe des mères indignes, aux mauvais pères, à la bad féministe. Et ce qui est bon avec ces manifestes du « pas si bon », c’est que ça nous ouvre les yeux sur le phénomène du jumeau. Je suis comme ça aussi! Et plus on en parle, de nos mauvais jours, de nos mauvaises habitudes, de nos mauvaises pensées, plus on crée une société de partage et plus on s’enlève de la pression. Le secret du « pas-si-bonnisme » se dissout avec la parole, s’éparpille chez les lecteur.trices, pour, au final, créer une société de personnes qui essaient. Ce qui est beau avec ça, c’est de voir que c’est de ça qu’il s’agit, au fond : essayer d’être meilleur.es et de rendre le monde moins laid.

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