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Comment se débarrasser d’un têtard dans un bar – Par Noémie Rousseau

Je suis tranquillement assise sur la terrasse au Pub du Grim, un lundi soir de juillet, avec ma robe fleurie à dos ouvert (le nouveau décolleté de 2014 que j’arrêtais pas de répéter à mes amis), les yeux décorés d’un petit trait de crayon noir, mon sourire couleur framboise qui s’amusait à s’estomper sur le verre rouge de plastique rempli de bière blonde, la bière en spécial à un dollar avant 22 heures.  J’étais bien.  Le temps était bon, le vent était chaud, l’odeur de la crème solaire sur ma peau se mélangeait à la fumée de cigarette et la musique du chansonnier jointe aux tapements de pieds intensifiaient le débat, déjà bien ancré à la table de bois collante, entre moi, un garçon de l’université Bishop dont j’ignorais le prénom, une fille qui fumait sans arrêt des cigares aux fraises en empruntant, pour chaque botch éteint, un lighter d’une personne différente à proximité, et le doorman. Parler de politique dans un bar, c’est comme parler en mal du film Frozen avec des enfants de quatre ans : t’es mieux de fermer ta yeule si tu veux survivre. Moi, j’ai tenté l’impossible en argumentant sur la protection de la langue française en invoquant mon amour pour le Parti Québécois avec un Anglais de Bishop, une fille qui fume des cigares aux fraises et qui voudrait coucher avec Justin Trudeau et un dude pas plus cultivé qu’il faut qui se fout complètement de nos valeurs patrimoniales pourvu qu’on puisse payer moins de taxes.  Vous voyez le genre?

J’ai débattu intensément durant 22 minutes, jusqu’à ce que la dernière goutte de bière fasse son effet.

Je me suis levée, je les ai tous regardés droit dans le blanc des yeux, et j’ai lancé, désespérément :

« Vous êtes trop cons ».

Et je suis partie.

Je fixais mes amis du balcon quelques mètres au loin. Ils étaient assis à une des tables vides appartenant à la crèmerie voisine (ils voulaient fumer en paix). Je leur ai fait un signe de la main, en pointant mon verre de plastique vide et j’ai crié que je revenais, tout de suite après mon petit refill minuscule de rien du tout à un dollar.

J’ouvre la porte (j’ignore pourquoi, le doorman n’a pas du tout levé le petit doigt pour me l’ouvrir) et je me retrouve coincée entre un couple un peu trop amoureux qui danse foutrement trop près de moi sur la toune qui dit « ne la laisse pas tomber, elle est si fragile, c’est une femme… », et un gars un peu trop saoul qui commence à se frotter en rond autour de moi.  Le comble du pathétisme à l’état pur.

« Décrisse ».

« Quoi? T’aimes pas ça? Tu devrais. »

« R’garde ma face, j’ai tu l’air d’aimer ça? »

Au moment où j’ai tourné les talons pour continuer mon chemin vers le bar, j’ai senti une main m’empoigner les fesses de façon grossière, de la même manière que le couple pervers que j’ai croisé.

J’ai figé.

J’ai figé de rage.

Mes joues sont devenues couleur feu.

C’était lui.  La plaie qui dansait autour de moi n’a visiblement rien compris.

Il me regardait d’un air de confrontation, il voulait voir ma réaction, lui qui croyait que j’en redemanderais probablement.

« T’es mieux de pu JAMAIS recommencer, c’tu clair gros moron? »

Il a marmonné quelque chose d’incompréhensible et moi, j’ai finalement pu atteindre le barman.

Arrivée sur le balcon, je fais signe à mes copines de me rejoindre puisque je ne peux quitter sans y laisser mon dû (impossible de cacher un verre plein sous une robe).

Plantée debout, je buvais une gorgée si bien méritée, lorsque j’ai soudainement ressenti le même dédain que tout à l’heure à l’intérieur, celui d’une main étrangère sur mon cul.

Je me retourne, stupéfaite par son manque de compréhension et d’intelligence et par sa grande volonté à faire de lui une risée.

Je l’ai donc regardé, en tabarnac, et j’ai crié :

« Tu m’touches encore une fois pis j’te crisse mon verre dans face! T’as tu compris là, maudit porc?!!! »

Il acquiesce et au moment où j’ose enfin le quitter du regard,  sa main m’a rejoué le coup, en claque cette fois-ci.

Sans même réfléchir, j’ai vidé le contenu de mon verre de plastique rouge dans sa face, sur son linge, dans ses cheveux, partout.

Le doorman, l’anglais, la fille aux cigares et les trois autres personnes sur la terrasse se sont mis à rire.

La plaie, humiliée, ouvre la bouche et me sort :

« Hey, fuck you, c’t’ait pas moi c’coup-là ».

Non, effectivement, il avait raison, la dernière fois, c’était mon amie qui voulait me prévenir de son arrivée.

Heureusement que ça m’a simplement couté un dollar pour l’erreur.

Désolée mec.

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