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Des fois, je veux être Paméla

C’est fou han, grandir dans une société qui nous fait tanguer vers la plasticité. Lèvres pulpeuses, longues jambes, aussi longues que la chevelure, blonde. Grands yeux, longs cils surtout, gros seins, petite taille. On est toutes passées par là, on y repasse toutes. J’ai beau entrer en totale confrontation avec ces clichés-là, je les véhicule encore aujourd’hui, parfois. Pis c’est ben normal. On est tombées dans les grosses boules pis la blondeur quand on était p’tites. On a rempli nos brassières de kleenex, de fruits ronds, ou de balles antistress (vraiment la bonne texture qu’on se disait), on a peroxydé nos cheveux. Ou pas. J’hésite encore. J’hésite depuis toujours devant le blond. Toujours voulu, jamais osé. J’ai peur… Daphné B. décrivait si bien l’outrage dans son texte de coming-out de blonde, My peroxyde days, publié sur Filles Missiles :

On me punit pour avoir voulu me rapprocher un peu plus de l’idéal sexuel véhiculé par la blondeur. Je suis coupable, parce que sexuée. Hitchcock a d’ailleurs refusé un rôle à Marilyn, en lui disant qu’il n’aimait pas les blondes qui portaient un sexe dans le visage,  i.e. les contre-nature, les blondes peroxydées. Ces femmes qui ne sont pas nées blondes et qui osent recourir à l’artifice, il faut les châtier.

Chaque fois que l’envie me prend de me teindre le cuir, j’ai peur de m’affilier à la jument Nana, à la Courtney accusée d’hystérie, à la lolita Baby Spice, à la Britney accusée de juste être encore là, aux nouilles des toutes les blagues de blondes. Tiens, ça m’en rappelle une. Un gars a trois blondes (amantes, déjà là on s’en sort pas). Une blonde, une rousse, une brune. Il y a trois sièges, mais un coussin. La blonde tasse le coussin s’assoit, la rousse tasse le coussin s’assoit, la brune s’assoit sur le coussin. Blonde pis Rousse regardent Brune, interloquées. Ben quoi, si j’veux qui prenne soin d’mon cul, faut j’prenne soin du mien. Fin. Comme quoi la brune, elle prend soin de son cul, elle fait pas comme les autres qui acceptent la chaise trop dure, elle a une cervelle et des fesses dont il faut prendre soin.

Il y a un paradoxe latent dans la tête de toutes mes amies, dans la mienne, dans la vôtre peut-être. Je veux être authentique, bien dans ma peau, je veux pas correspondre aux critères asservissants de la « beauté » MAIS je veux plaire. Plaire d’une manière esthétique, parfois superficielle, commerciale, populaire. Parce que pour être belle, selon le plus grand nombre, il faut plaire au plus grand nombre. Mais je refuse de croire qu’il existe une beauté cheap. Tout le monde est comme il est, quand il veut. Il a le droit, le monde, de faire ce qu’il souhaite. Le droit de se blondir, de se padder, le droit aussi, de se raser le crâne.

Petite, j’ai eu un brainwash de Baywatch. Mon idéal c’était Paméla Anderson. Oui, oui. Je ne sais plus dans quelles années, mais je me rappelle que je me couchais au milieu du salon en me couvrant d’une couverture, pis que je m’imaginais devenir Paméla une fois qu’on la retirait. Mes premiers fantasmes sont liés à Paméla. Mon éveil sexuel est lié à Paméla. Je voulais devenir elle pour être désirable, quitter mon corps de jeune enfant prépubère et pouf, devenir la fille qui court sul bord d’la plage, les boules pesantes dans son maillot. Aujourd’hui je me sens souvent pognée entre les deux chaises de ce désir-là. Être ou ne pas être Paméla.

Me lever, sortir dans un café en linge mou, pas « arrangée », pas flasher pis rester ben tranquille, sans que le regard de personne autour ne me pèse. C’est le fun faire ça, ça arrive. Je sortirais souvent en pyjama, je sortirais n’importe comment, je m’en fous complètement des fois. Être moi-même, au fond, c’est pas mal un savant mélange de molleton pis de lycra, de coiffures pis de casquette, de cernes pis de mascara.

Mais la fille en molleton, ça lui arrive de sortir de chez elle un matin, de se maquiller, de s’habiller de manière plus éloquente, plus sexy, plus conforme à… pis c’est correct aussi. Un mood empêche pas l’autre. Des fois, j’ai envie que les gens me trouvent désirable. Des fois, j’ai envie d’accrocher l’œil. Des fois, je veux séduire telle personne. Oui, ça arrive. La séduction, ça se joue parfois. Et c’est pas parce qu’on aime jouer qu’on est pas plus vrai. Penser comme ça m’apporte un certain équilibre. Mais je sais au fond de moi, qu’en tant que femme, je suis toujours entre les deux, sur la corde raide de mon string, en me jugeant moi-même sur ma performance de la féminité. C’est dur de vivre là, dans une double identité féministe-féminine. En même temps, me questionner sur ma performance du genre m’enrichit toujours un peu plus. Parfois même, ça me donne envie d’être encore plus femme, tout le temps plus femme, rien que pour qu’elle arrête jamais d’exister. Reste à savoir, c’est quoi ça, la femme. Je suis qui moi? Je suis toujours la fille entre deux chaises.

***

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