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Elle, Lui et moi

ELLE
Une enfant dans le corps d’une femme. Une voix amusée, pourtant une âme errante dans un cœur brisé. Le visage comme le corps en rondeurs, et les boucles de ses cheveux pour auréoler son doux visage. Venue de Montréal pour voir un ami commun qui travaillait constamment, j’ai fait d’Elle ma meilleure amie cet été chaud, made in Limoilou, Québec.

LUI
Un regard triste, profond. De belles mains de musicien. Un grand brun. Introverti. Ne parlait presque pas, sinon avec une extrême douceur. Les cheveux de Johnny Depp dans sa jeunesse. Des lèvres charnues, petite moustache et petite barbe. Avec un accent de Bretagne en prime. J’ai craqué.

MOI
Vingt ans, déjà plusieurs peines d’amour au compteur, besoin de reconnaissance, d’affection, de tout ce que quiconque pouvait me donner. Même des miettes. Même par leurre. Même par pitié.

Donc cet été-là, une nouvelle amie, de Montréal, est entrée dans ma vie, en plus d’un Breton, discret et sensible, qui venait de débarquer dans Limoilou, à deux pas de chez moi.

Nous étions toujours ensemble. Tous les trois.

Nous marchions Québec de jour comme de nuit, écoutions de la musique jusqu’à l’aube, discutions d’absolument tout et n’importe quoi sans rien omettre sinon le sérieux, l’important, l’essentiel.

Toujours ensemble, ou presque.

Quand Elle devait repartir à Montréal, elle s’ennuyait et ne souhaitait que revenir. J’étais amoureuse du mystérieux français de passage, mais nous ne voulions pas, Lui et moi, qu’Elle souffre, alors nous la ramenions à Québec, ou alors nous allions la rejoindre à Montréal.

Puis un soir, alors que Lui et moi sortions officiellement ensemble, que nous étions tous les trois couchés sur le sol, elle entre lui et moi, Lui tourné vers Elle alors que j’étais sur le point de m’endormir, j’ai senti mon cœur se fissurer :

« Je t’aime, Elle. »

J’explosai de pleurs et de cris. Elle tenta de me calmer.

Lui n’essaya rien du tout.

Elle me supplia de l’écouter.
Lui savait ce qu’elle allait me dire :

« J’ai rien fait, je te le jure que j’ai rien fait! Moi c’est TOI que j’aime! »

Il venait de lui avouer, dans mon dos, qu’il était amoureux d’elle.

Et elle était amoureuse… de moi.

Nous étions debout, l’une en face de l’autre, et Lui, qui venait d’écraser mon cœur avec le mensonge de notre relation comme s’il ne s’en prenait qu’au reflet d’un idéal dans un miroir en le fracassant contre le mur, laissait le venin de la vérité s’infiltrer en moi jusqu’à étouffer mon cœur.

J’ai oublié le moment où j’ai commencé à pleurer tant le choc fut violent. Je me souviens par contre de ses paroles lorsqu’il m’a dit plus tard :

« Ce que je t’ai donné, ce n’est pas de l’amour. Ce n’est même pas de l’affection. C’est juste de l’attention. »

J’avais trop voulu que Lui m’aime. Il avait joué le jeu pour me faire plaisir et avait de ce fait renié ses propres sentiments pour Elle. Et Elle, qui voulait incessamment revenir à Québec… Elle venait me voir, moi. Tout en sachant que je ne l’aimais pas.

Ils savaient. Ils souffraient pour moi, à cause de moi.

C’était un triangle-amour-amitié impossible. Genre « Mes amours imaginaires » de Xavier Dolan, mais avec deux filles et un gars.

Nous nous sommes pardonnés mutuellement le lendemain ou le surlendemain, je ne sais plus, et avons passé quelques derniers jours ensemble, mais nous avions trop mal les uns comme les autres.

Lui est reparti en France, Elle pour Montréal et moi, je suis restée à Québec.

Et nous ne nous sommes plus jamais revus.

15 années se sont écoulées.
Si d’où qu’ils soient ils me lisent, je leur demande pardon.

Crédit photo de couverture

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