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Je dois te dire que j’aime les filles

J’ai dû dire que j’aime les filles.

C’est gros, pareil!

À 17 ans, la première fois, quand t’annonces ça à ton amie, tu regrettes presque que ses seins soient pas des balles antistress.

Tu sélectionnes ta liste de gens à qui faire ton coming out en premier.

Pour me pratiquer, j’ai commencé par mon grand-père. Il s’est retourné dans sa tombe.

À me voir aller, si tu es mon père ou ma mère et que j’ai 8 ans, t’as aucunement besoin de savoir lire une boussole pour deviner mon orientation.

C’est moi qui disais à ma mère d’inviter ses amies à la maison! Pas folle, la p’tite.

J’étais jalouse de John Smith, même si Pocahontas était pas tant mon genre. Ça aurait pas pu marcher, je hais faire du canot.

J’ai beaucoup de chance, ma famille est ouverte d’esprit. Mes parents fréquentent le monde gai d’assez près.

Mais tout ça, c’que j’ressens en dedans, j’le garde pour moi.

J’étais trop jeune, de toute façon, pour bien réaliser ce qui se passait.

J’continue à modeler ma pâte intérieure et j’grandis un peu.

J’ai passé une partie de mon primaire dans une école ouverte aux filles seulement. Belles, toute la gang. J’ai volontairement doublé six fois ma troisième année! Quand même pas… Mais j’ai eu quelques petits kicks.

Plus je vieillissais, plus ça me suivait.

Si une fille de mon goût me frôlait, je remerciais le ciel de ne pas être un gars. Une érection sous la jupe, c’t’ordinaire!

Au secondaire, tu veux juste la paix. Être un muffin, tranquille, et rentrer dans le moule. Faire comme les autres au détriment de qui tu es.

Quand ton secret pèse plus lourd que ton sac d’école, ça devient dur.

J’ai moi-même accumulé des années de silence. D’abord pour mieux comprendre c’qui me passait par le corps et ensuite par peur de la réaction des autres, même de celle de mes parents.

Et un de ces soirs, à 17 ans, assise seule à côté d’une amie, j’ai laissé sortir la vérité.

C’est là là.

J’avais pour 8.5 de tremblement d’cœur et un tsunami qui me sortait par le nez. Je braillais ma vie.

Qu’est-ce qui va arriver? Comment ça marche? Est-ce que j’vais être rejetée? C’est donc ben niaiseux d’avoir à aviser les gens sur ça!

Dans un état semi-végétatif pas clair, je disais le vrai mot, pour la première fois, en parlant d’moi-même.

Je dois te dire que j’aime les filles. Je suis lesbienne.

Une Noémie ne pleurera jamais devant un café au Tim Hortons avec sa chum en disant :

« Fuck, j’pense que j’aime les pénis! »

Tu parles d’un soulagement. La glace est cassée.

J’avais encore ma famille au grand complet à qui l’annoncer et ma grand-mère a eu la brillante idée de faire 14 enfants… Mais ça va.

Ma gorge s’est quand même serrée, chaque fois, devant chaque personne importante.

J’ai eu la chienne, c’est normal.

Maintenant, quand un inconnu me dit :

« Ton chum est chanceux! »

Je m’amuse et réponds que oui, surtout quand je vais lui acheter ses tampons.

Crédit photo de couverture : Antonio Chirita

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