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Je sors avec un musicien – Par Noémie

J’avais jamais entendu parler du band.

J’avais entendu parler de lui. Une amie m’avait montré une vidéo prise sur son cell pendant un party. Des ombres, du noir, rien de distinct, « Ben là, on voit rien?»

« Écoute! »

J’ai laissé faire l’image. J’ai écouté. Au début, c’était la soundtrack officielle des partys de teenagers : des filles qui crient, des gars qui parlent fort, des rires, du A$AP pis le froissement des sacs de chips.

Et là, tranquillement, comme en background, j’ai entendu s’élever une belle et douce voix de garçon qui chantait d’amour une chanson que je connaissais pas.

Autour, tout le monde s’est tu. Même les filles. Même les sacs de chips. Même A$AP a arrêté de parler de bitches et de fucking problem.

Crescendo et decrescendo.

La voix montait toujours, mielleuse, sur les airs d’une musique sans instrument, sur les mots d’une mélodie qui pleure de joie.

And now I’m like hey what’s going on?
I don’t know…

Et la voix a rompu. Le tumulte a repris. La vidéo a coupé.

La chanson, c’est lui qui l’avait écrite, qui l’avait composée. Je l’ai téléchargée, je l’ai mise sur mon iPod, je l’ai écoutée/chantée/criée à tue-tête pendant 2 mois, puis je l’ai oubliée.

J’ai fini le secondaire le 19 juin et ce soir-là, je reste pas chez nous.

Dans mon news feed je vois qu’il y a un lancement d’album au Cercle.

20h. 13 $. 18+.

J’y vais.

Fucking grosse file dehors. Pas grave. Attend 30 minutes. Arrive au bouncer. Me carte pas. Rentre. Prend un shooter. Cale un Rhum&Coke. Envie de pisser.

Je descend les marches qui mènent aux toilettes. En bas, je vois une grosse porte noire entrouverte sur laquelle il est écrit « LOGE ». Ah. Je rentre dans la toilette. Des hommes, oups, désolée. Je vire de bord, je rentre dans la toilette : des femmes. Je pisse.

En retournant aux marches, je m’aperçois que la grosse porte noire est grande ouverte. Je regarde sur quoi elle donne.

Sur lui.

C’est lui.

Le gars du vidéo. Le gars qui chante bien. C’est lui, le gars.

Mes yeux dans les siens.

Je me retourne, je monte les marches. J’ai des shorts cheeky et mon cul est vraiment cute dedans.

Ses yeux sur mes fesses.

En haut, je demande un  « gin tonic » pour pas avoir les mains vides pendant le show : ça me rend mal à l’aise.

20 minutes plus tard, il monte sur scène avec son band.

La musique est belle. Belle comme l’été qui finit plus. Belle comme l’Écume des jours de Boris Vian. Belle comme le dos nu d’une femme couchée sur le côté. Belle comme une pétale qui devrait pas être là. Belle comme quelque chose de pas grave.

Comme la couleur rose.

Quand il chante il me regarde pas. Moi, oui.

Le show finit. Rendez-vous à la taverne Jos Dion. Je m’assis au bar du Cercle en attendant que la place se vide, en laissant passer ces gens qui parlent trop fort. Je pense à presque rien. Je regarde le vide. J’écoute pas. Je suis un peu saoule. Non, je sais, ça m’en prend pas gros.

Je me retourne et il est au bar lui aussi. Avec son band. Il dit qu’il s’en va à la taverne. Je suis.

En y allant, on chante « Hey There Delilah » de Plain White T’s et la vie est belle pendant huit cent mètres.

Tu sais, je crois aux coïncidences arrangées .

« Hey There Delilah » est une chanson qui parle d’une fille plus belle encore que Time Square et d’un gars, un musicien. Ils s’aiment beaucoup. Beaucoup plus que ce que l’être humain peut assumer. Les autres ne comprennent pas, c’est normal.

Le problème c’est qu’ils sont loin l’un de l’autre. Mais il faut pas s’inquiéter qu’il dit. Je suis là, qu’il dit. Je sais que c’est difficile, mais c’est mon travail, qu’il dit. Ça l’air loin, mais ils ont des avions, des trains, des voitures et on a nos pieds qu’il dit. Et un jour on aura une maison, une maison vraiment toute petite pour pouvoir rester proche tout le temps, qu’il dit. On va être bien, qu’il dit. On va être correct.

Ce soir-là, le soir où je t’ai rencontré, où je suis tombée folle amoureuse de toi et tes boucles d’ébènes, de toi et tes dents mal alignées, de toi et ta voix d’amour, on a chanté « Hey There Delilah » au ciel, à la lune et à la nuit du quartier Saint-Roch. Toi et moi ensemble, même si on ne se connaissait pas.

Ce soir-là, je crois que la vie m’a avertie.

Parce que là tu es parti.

Et tu vas partir encore.

Et ouais, c’est vrai, je m’ennuie.

Je t’aime aussi.

Alexe Raymond, réviseure, raymond.alexe@gmail.com

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