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Just In à Premier Acte

Un homme se réveille nu dans une chambre d’hôtel. Il ne se souvient de rien. Son histoire pourrait être celle d’une simple gueule de bois, banale, comme il en existe tant d’autres… Sauf que l’homme en question est le nouveau Premier ministre qui vient tout juste d’être élu. Bienvenue dans l’univers de Just In, l’épopée politico-fantastique écrite et interprétée par Lucien Ratio, qui lance de belle façon la saison 2018-2019 de Premier Acte.

Les ressemblances entre le personnage principal et un certain chef du gouvernement canadien ne sont absolument pas fortuites. Pour son solo, Ratio puise allègrement dans la biographie de Trudeau fils, de son passé de prof de théâtre à son bain de foule « spontané » dans le métro au lendemain de sa victoire, en passant par son combat de boxe contre un sénateur. La caricature qui est faite, dépeignant un politicien défenseur du multiculturalisme et accro aux selfies, apporte peu de nouveau, mais demeure néanmoins très drôle. L’omniprésence d’unifoliés, de sourires forcés et de phrases creuses, in les two langues officielles, please, amuse, entre autres lorsque nous sont offertes des traductions tout à fait risibles (qui transforment les « Sunny ways! » en « Chemins soleil! »). Le héros de Just In emprunte également ses traits à des hommes politiques moins lisses que le Justin original, alors qu’il traite les femmes de façon dégradante et a un léger penchant pour la cocaïne. Issu d’une lignée royale (après tout, son père a lui aussi dirigé le pays!), notre demi-dieu doit perpétuer la dynastie et se montrer à la hauteur de son héritage. Mais il se retrouve vite dépassé par les événements, pris dans une machine plus grande que lui.

Avec sa temporalité déconstruite, Just In nous fait voyager par des allers-retours entre les heures suivant le couronnement du nouveau Premier ministre et son ascension vers le pouvoir. Ces ruptures dans l’action pourraient nous faire décrocher par moments, mais plus l’intrigue avance, plus la tension monte. On est alors tenus en haleine, captifs du climat anxiogène bien installé, notamment grâce à l’habillage sonore conçu par Millimetrik et aux éclairages judicieux. La proposition, quelque peu déroutante au départ, par son mélange entre satire et surnaturel, finit par nous happer. Et on y adhère. La forte présence de Lucien Ratio, solide, énergique et charismatique à souhait, y joue pour beaucoup. Seul en scène, l’acteur porte la pièce sur ses épaules et livre son texte avec aplomb.

Bref, Just In est un spectacle efficace et maîtrisé, mais ne s’avère pas vraiment le meilleur remède pour guérir ceux et celles souffrant de cynisme. En cette période électorale, l’oeuvre nous invite plutôt à nous rappeler notre responsabilité comme citoyen et citoyenne. À nous de nous tenir loin des politiciens vides et formatés qui pratiquent la xyloglossie, pour ne pas nous réveiller nous-mêmes, à l’instar du protagoniste de la pièce, avec une gueule de bois carabinée le 2 octobre au matin.

***

Une production du Collectif du Temps qui s’arrête Texte et interprétation : Lucien Ratio Mise en scène : Jocelyn Pelletier

Musique : Millimetrik

À Premier Acte jusqu’au 22 septembre

Détails ici : premieracte.ca

Source photo de couverture

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