Tous ont été choqués par les images du Temple des Tigres qui ont circulé dans les médias du monde entier au cours des dernières semaines. Je me demande ce que je trouve le plus choquant dans cette histoire. Le fait que ces actes aient été perpétrés par des moines bouddhistes ou l’hypocrisie générale de l’homme en ce qui a trait au bien-être animal.
Le temple thaïlandais a su camoufler sous son apparente spiritualité des activités tout sauf vertueuses. On va se le dire, la transformation d’un tel lieu en véritable attraction touristique zoologique suscite déjà des questions d’ordre éthique. Pire encore, le lieu qui prétendait être un sanctuaire pour animaux ayant pour mission la conservation du tigre, espèce en voie de disparition, ne cachait rien de moins qu’un cruel élevage.
Malgré les revendications de différentes organisations de par le monde, ce n’est qu’au début du mois que les autorités ont obtenu un mandat leur permettant d’entrer dans le temple. C’est ainsi qu’elles ont fait la macabre découverte de 40 bébés tigres congelés et autres preuves irréfutables que les moines participaient au très lucratif trafic de tigres lié aux prétendues vertus magiques de l’animal. La vérité est impossible à nier lorsqu’on apprend qu’un moine a été arrêté alors qu’il tentait de fuir avec une camionnette remplie de peaux et autres produits destinés au trafic illégal d’animaux sauvages.
Déjà en 2013, le blogueur Turner Barr avait dénoncé les mauvais traitements infligés aux tigres. Ayant infiltré le temple à titre de volontaire pendant 18 jours, il ne se doutait pas de l’ampleur des faits que nous connaissons aujourd’hui. Il écrit dans un article alarmant que les bébés tigres sont retirés très jeunes à leur mère afin d’être gavés au biberon par les touristes qui acceptent de payer une petite fortune pour vivre l’expérience.
Il affirme également que la majorité des tigres restent cloîtrés dans des cages surpeuplées et insalubres. Ils ne bénéficient donc pas de l’exercice nécessaire à leur bien-être. Il soulève également un autre fait inquiétant : les tigres sont nourris de poulet bouilli jour après jour sous prétexte que la viande rouge est trop chère. Il en résulte des problèmes de croissance musculaire ainsi qu’un certain niveau d’embonpoint chez certains individus. Barr avertit également les touristes qui pourraient être tentés de visiter le temple que les droits d’entrée exorbitants et les dons sollicités au nom de la conservation servent plutôt à enrichir les moines.
Puisqu’il s’agissait d’un des seuls endroits au monde où il était possible d’approcher d’aussi près ces majestueuses bêtes sauvages, il n’est pas étonnant que le temple ait connu autant de succès. Vous avez sans doute vu passer des selfies de vos amis caressant les tigres comme s’ils n’étaient que de gros chats nonchalants. Les moines se sont toujours défendus de droguer les animaux malgré les accusations qui pesaient contre eux. Ils prétendaient que le calme des tigres était le résultat d’un entraînement rigoureux. Nous avons longtemps cru que les moines avaient su réaliser le fantasme ultime : la création d’un sanctuaire où vivent en harmonie l’homme et l’animal sauvage.
Heureusement, les 137 tigres ont été évacués et le Temple des Tigres est officiellement fermé après des années de controverses. Le plus triste est qu’étant nés en captivité, ces tigres ne pourront jamais être libérés et connaître la vie sauvage. Ils sont destinés à vivre dans des centres d’élevages qui, nous l’espérons, sauront leur apporter les soins appropriés. Espérons également que cela encouragera les autorités à mettre fin aux activités des dizaines d’établissements soupçonnés de maltraitance et de trafic illégal d’animaux qui existent toujours en Asie.
Le Temple des Tigres n’aurait pu prendre une telle ampleur sans la participation des milliers de touristes, à la recherche d’exotisme et de sensations fortes, qui y sont accourus chaque année. Cela nous rappelle qu’il ne suffit pas d’être un citoyen conscientisé au quotidien. Nous nous devons également de l’être lorsque nous partons en vacances. Il revient donc à chacun de s’informer sur le tourisme responsable et de choisir ses activités en conséquence.
Je termine avec les propos de Sébastien Tanguay, qui écrit dans Le Métro : « Entre la contemplation de la nature et sa domination pure et simple, il n’y a souvent qu’un pas, que des milliers de touristes peu avertis ont allégrement franchi depuis 26 ans, enrichissant un temple des horreurs, qui était tout sauf zen. »
Sources :
Rapport de Care for the Wild
Article du Daily Mail
Article de Thailand.fr
Article de Phuket.fr
Article de ConsoGlobe
Photo de couverture : Steve Winter