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Lettre à Céline Dion

Chère Céline,

Je t’écris en sachant que cette lettre ne se rendra jamais à toi. My heart will go on joue en filigrane afin de m’aider à trouver le ton juste pour rédiger ce billet. Je n’ai pas fait la file pour te présenter mes condoléances à la chapelle ardente de René, mais sache que tu n’es jamais bien loin dans mes pensées depuis une semaine. Je n’ai jamais eu le privilège de te rencontrer, mais, comme pour plusieurs centaines de milliers de québécois, tu as toujours fait partie de ma vie.

À deux ans, je me promenais partout en chantant Une colombe est partie en voyage. À douze ans, je me suis fait couper les cheveux comme toi après ton mariage et je m’étais fait un scrapbook avec l’édition spéciale du Lundi qui avait couvert l’événement. Je me souviens m’être dit, en vous voyant tous les deux : « Moi, c’est une histoire d’amour comme ça que je veux. »

Tu étais si belle avec ta robe de princesse et ton immense diadème, mais ce n’est pas à cela que je fais référence. Quand tu t’es mariée, tu m’as donné un rêve. Je rêvais de trouver mon René, celui qui verrait en moi sa Céline.

Je crois que c’est la première fois que je réalisais que l’amour, ça pouvait être autre chose que les cris de mes parents, les portes qui claquent et les mots qui blessent presque aussi fort que les silences. Pour la première fois, je voyais que l’amour n’avait pas d’âge ou de limites, qu’il était immatériel, omniprésent et, surtout, qu’il était un cadeau. Rare et précieux. Que l’amour, c’était Tout.

À l’adolescence, j’ai dansé mon premier slow sur ta version de The Power of Love et j’étais encore en train de pleurer dans la salle de cinéma à la fin du film Titanic quand ta voix s’est élevée doucement. Je pleure beaucoup en regardant les films, mais je me suis arrêtée net en entendant les paroles, en les traduisant mentalement dans ma tête. J’aime beaucoup les mots, Céline, un peu comme toi tu aimes les chanter. Pour raconter les choses du cœur, et c’est parce que tu les racontes si bien que tu es tant aimée.

Encore une fois, ça m’a frappée. Pour chanter ces mots-là comme tu l’as fait, il fallait que tu les ressentes dans chaque fibre de ton être. Que tu connaisses cet amour qui nous touche et dure toute la vie, quelle que soit la distance qui sépare ces deux êtres. Cet amour que tu chantais, tu le vivais.

Ce qui me touche le plus de votre relation, c’est la complicité qui vous unissait, cette flamme de la chanson, de la vie, qui brûlait entre vous deux et qui semblait puiser chez l’autre autant l’oxygène que le combustible nécessaire à attiser le feu.

C’est comme si chaque chanson d’amour que tu chantais était pour lui. Ton premier amour. Ton seul amour. Celui qui a changé ta vie comme tu as transformé la sienne. La petite fille à l’épaisse tignasse et à la canine croche, avec ta voix d’or et ton imprésario prêt à déplacer toutes les montagnes pour t’aider à réaliser ton rêve. Pour te pousser plus haut et plus loin, tout en prenant soin de toi, comme le trésor que tu étais de toute évidence à ses yeux.

De mon point de vue, c’est magnifique. Je n’ose imaginer ce que c’était du tien. Presque trente ans ensemble, c’est toute une vie. C’est ce que vous avez eu tous les deux, une sacrée belle vie. L’amour n’a pas de limite, mais malheureusement, il y a le temps. Cette vie, dans ce qu’elle a de trop bref, et le cancer, le traître, en imposent. Ce sale voleur qui s’installe chez une personne qu’on aime et le dévore de l’intérieur, une cellule à la fois. Cet intrus qui nous dérobe des minutes, des heures, des mois, et qui s’enfuit avec toutes ces années qu’on ne lui réservait pas. Qui nous dérobe jusqu’à la vie elle-même.

J’ai fini par le trouver, mon René. Celui qui croit en moi, qui m’inspire à donner le meilleur de ce que je suis et m’insuffle la petite flamme qui manquait à ma vie. Je constate les neuf années qui nous séparent, ses cheveux gris et sa bedaine, et, en imaginant que je pourrais le perdre avant d’avoir eu toutes les années de bonheur que je me souhaite à ses côtés, je sens ma gorge se nouer.

Aux nouvelles, vous êtes partout, l’histoire est couverte mur à mur, mais ce n’est pas grave parce que tu es notre princesse. Après avoir vu ton rêve se réaliser et ton amour éclore, c’est comme un besoin de faire partie de ça aussi. Pour toi. Des images qu’on nous présente à la chapelle ardente de ton époux traversent mon champ de vision pendant que mon amoureux ronfle sur le divan (ce qu’il niera farouchement lorsque je le réveillerai). Même dans le deuil, tu es à couper le souffle. Si noble. Si digne. Et pourtant, si accessible. Tu es la plus grande vedette du monde et au lieu de la demi-heure annoncée, tu es restée tout l’après-midi pour étreindre des inconnus venus témoigner de l’amour.

Témoigner de l’amour qu’ils lui portaient à cet homme talentueux, chaleureux et disponible. Témoigner de l’amour qu’ils ont pour toi, notre princesse nationale. Témoigner de l’amour qui boucle sa boucle, dans ce lieu où vous vous êtes juré un amour sans faille, pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que la mort vous sépare. Même dans la mort tu ne le laisses pas. Et comme dans la chanson entre mes deux oreilles, qui en est à sa vingtième répétition (comme si je ne la connaissais pas déjà par cœur), en te voyant, on sait que malgré la distance qui vous sépare désormais, dans tes rêves, il sera toujours là. C’est à cet endroit que votre amour vivra et que vous resterez toujours, à l’abri dans ton cœur. Tant qu’il continuera de battre, René sera là.

Toutes mes condoléances, Céline.

Par Marie-Ève Poulin

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