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J’ai envie d’écrire cet article depuis un moment. Je cherchais l’angle parfait, celui qui ne serait ni accusateur, ni trop « fleur bleue ». Je cherchais comment expliquer le mieux possible qu’une vocation n’est pas une excuse.
C’est quelque chose de profond, de beau.
Pas une explication pour des conditions de travail précaires. Pas une excuse pour ne rien changer. En 2020, je trouve que le mot « vocation » est utilisé comme une excuse trop souvent. Et j’avais envie… besoin même, je crois, de le dire.
Les réseaux sociaux débordent de témoignages de PAB, d’infirmières, de travailleurs sociaux, de professeurs, d’éducateurs spécialisés ou en garderie, et j’en passe, pour qui ce n’était déjà pas toujours facile et pour qui l’année 2020 est encore pire. Et lorsque ces professionnels parlent de leurs conditions de travail mentales ou physiques, on leur dit « Courage! C’est une vocation! » Euh…
Définition de vocation : appel, forte inclinaison, quelque chose que l’on ressent au fond de soi.
Je suis d’accord que pour travailler avec des humains, pour faire de son 9 à 5, la relation d’aide, l’envie de transmettre du savoir aux autres, de les épauler dans les moments difficiles, c’est possible que ce soit une vocation. Il faut évidemment avoir envie d’y mettre du sien. Ce que je ne comprends pas, c’est à quel endroit dans la définition il est mentionné qu’il est normal que tu fasses plus d’heures supplémentaires obligatoires? Ou encore que tu sois régulièrement au bord du burn out? Que ton salaire ne soit pas augmenté depuis 2 ans et que tu demeures au salaire minimum même avec une certaine expérience ou avec un diplôme universitaire/collégial… parce que c’est une vocation? Ah. Ben nulle part.
Je ne proclame pas que les employés du social devraient recevoir le Bon Dieu sans confession, je dis juste qu’avoir choisi son prochain, nos aînés, les gens en marge de la société, les individus à besoins particuliers, ça mérite le même respect qu’un autre titre d’emploi. Ça ne mérite pas d’être qualifié de « vocation » pour faire taire les injustices ou les incohérences. Personne n’a jamais nommé que faire carrière dans ce qui te passionne faisait de toi un saint! Et si quelqu’un a besoin de l’entendre, tu as le droit d’aimer ton travail sans porter le monde sur tes épaules.
Et si tu travailles dans le domaine social, tu as le droit d’être fatigué. Tu as le droit de prendre du temps pour toi, même si tu n’as pas fini tes notes évolutives. Tu as le droit de pleurer un p’tit peu ou beaucoup. Tu as le droit de ne pas avoir envie d’être mère Teresa. Tu as le droit de demander un salaire décent (ou de faire un choix en fonction d’avantages sociaux, on s’entend). Tu as le droit, toi aussi, d’aller chercher de l’aide si tu en ressens le besoin. Tu as le droit et le devoir envers toi-même de mettre tes limites.
Comme partout, il y a aussi des milieux extraordinaires, des patrons compréhensifs, des choses mises en place, des équipes de feu… Souvent, les avantages sociaux peuvent compenser le salaire. Il faut comprendre ici que je ne jette pas la pierre à des milieux en particulier. Je dis juste que « c’est une vocation », ça n’excuse rien.
Et c’est là que ça devient fleur bleue. Je ne peux pas m’en empêcher, parce que j’ai envie d’un monde où les gens qui ont choisi d’aider les autres sont vus avec respect, traités comme tel et que quand on dit que c’est une vocation, ce soit avec un sourire de fierté ou de paix intérieure, mais pas avec un haussement d’épaules et un sourire désolé pour expliquer des négos qui s’éternisent…