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TSPT

J’ai un TSPT. Les spécialistes disent « trouble du stress post-traumatique », les anglophones, PTSD. J’ai un TSPT.

J’ai eu pendant plusieurs mois une constellation de symptômes, tous avec la même fonction : me protéger. Cependant, ces symptômes, juxtaposés, m’empêchaient complètement de fonctionner.

J’ai travaillé fort, très fort, pour retourner dans mon corps et dans mon cœur, pour que ma tête s’y sente bien. Le sport a été un pilier qui a redonné vie à mon corps. L’art a été une fenêtre, une porte vers mon cœur, qui me permettait de le visiter et de le sortir. L’amour de mon entourage et mes thérapeutes ont été la bulle de sécurité qui m’a permis de guérir de mes blessures.

Je vais mieux.

Je vais mieux et j’ai eu d’énormes privilèges pour aller mieux, j’en suis consciente. L’accès à un médecin, à une psychologue, à une nutritionniste, à des sports que j’aime, à un logement, à une alimentation équilibrée, à un réseau de soutien merveilleux… Ce n’est pas donné à toutes les victimes.

Mais je vais mieux et j’en suis fière. Je suis fière d’avoir même amélioré plusieurs aspects de ma vie en comparaison avec l’« avant ». Mon corps a la force, l’endurance et la flexibilité des coureuses sénégalaises. Mon cœur a la puissance, le rythme et la liberté d’une danseuse péruvienne. Ma tête a la vivacité, l’ouverture et la sagesse d’une aînée autochtone.

Je vais mieux et le TSPT est encore là. Il est plus doux, plus patient, plus calme qu’avant. Il ne correspond plus à ce que le dictionnaire des troubles mentaux (DSM) décrit comme un TSPT. Mais il vit encore en moi. Et il est là pour rester.

Mon TSPT, il cogne à ma porte quand je vois un couple s’engueuler, quand mon amoureux.se se fâche contre moi, quand un.e partenaire sexuel tape mes fesses, quand un homme me reluque dans un parc, quand j’invite pour la première fois mon crush chez moi, quand une amie révèle un de mes secrets.

Parfois il me caresse les cheveux : « Reste éveillée, ma chouette, faut pas dormir! » Parfois il marche du talon : « Grosse journée aujourd’hui! On a du pain sur la planche! » Parfois il entre en trombe en chuchotant : « Cache-toi! Vite! Pas l’temps d’niaiser, y’arrive! » Parfois, il se cache si bien que seule sa respiration trahit sa présence et c’est plus tard qu’il sort de sa cachette. « Ouf! J’ai eu peur! » Parfois, il se glisse derrière moi et pleure sur mon épaule. « Pourquoi ça nous arrive? Me semble que c’est pas juste. » Toujours, il veut mon bien.

Mon TSPT, j’essaie de l’accueillir. Parce qu’il est là pour me protéger, même si je le trouve parfois handicapant. Parce qu’il m’a aidée à faire face à des évènements que personne ne devrait avoir à vivre. Parce qu’il m’aide encore à penser d’abord à ma sécurité avant de jouer la sauveuse ou la guerrière.

J’ai un TSPT. Il est là et la plupart des gens ne le voient pas. Moi-même, je l’oublie souvent. Je l’oublie quand je vais voir des gens saouls qui s’embrassent dans un coin pour leur demander si tout va bien, quand je me chamaille avec mes amoureux.ses, quand un.e partenaire sexuel.le me mord, quand je me fais bronzer au parc, quand j’embrasse quelqu’un pour la première fois, quand je parle de mes agressions à de nouvelles personnes.

Dans ce temps-là, je sais que mon TSPT mange du pop-corn en empêchant tout le monde d’écouter le film parce qu’il jacasse : « That’s my warrior! T’as-tu vu comment elle est badass? Check-la, être heureuse, pis envoyer chier toutes les raisons que le monde lui a donné pour ne pas l’être! Si ça, c’est pas militant, je sais pas c’que c’est! »

J’ai un TSPT. Je suis une meilleure version de moi-même grâce à lui. Et je ne l’échangerais pour rien au monde.

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