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Wet’suwet’en

« Il n’y a pas d’histoire, au Québec, qui commence avec le canadien-français! », affirmait avec force la cinéaste et artiste abénaquise Alanis Obomsawin au ministre québécois du Loisir, de la Chasse et de la Pêche Laurent Lessard, dans son film basé sur Les événements de Restigouche en 19811, alors que le gouvernement provincial de René Lévesque souhaitait restreindre le droit ancestral à la pêche des Micmacs en Gaspésie. Et ce qu’elle affirmait est véritable, l’histoire doit être partagée, l’histoire ne commence pas avec le canadien-français, ni même le canadien-anglais, l’histoire de l’Amérique entière débute avec ses premiers habitants, les Premières Nations. « Est-ce qu’on vous a dit nous autres (les autochtones) :  »Sacrez donc votre camp! » On n’a jamais dit ça, on a toujours partagé. Vous, vous avez pris, pris, pris… »

Dans un autre de ses films cultes Kanehsatake 270 ans de résistance2, Obomsawin documente la crise d’Oka qui a secoué le Québec en 1990, alors que le maire de la municipalité Jean Ouellette veut faire construire un projet domiciliaire et agrandir un terrain de golf sur une pinède mohawk qui contient un cimetière, ne respectant pas, de ce fait, leurs revendications territoriales. Alors que les Mohawks de Kanesatake bloquent un chemin de terre qui longe le cimetière, le maire Ouellette fait intervenir la SQ. En solidarité les guerriers de Kahnawake bloquent alors le pont Mercier et plusieurs guerriers d’ailleurs au Canada et aux États-Unis viennent prêter main-forte. L’armée est finalement dépêchée à Kanesatake, la tension monte, et le racisme de la population des alentours, mené par la colère, devient systémique. En tout, l’affrontement durera 78 jours. Le gouvernement fédéral achètera finalement la pinède et des parcelles de terre qui seront finalement statuées réservées aux Mohawks de Kanesatake en 2001.

La loi sur les Indiens3

Alors qu’aux États-Unis, les tribus sont reconnues comme étant souveraines et « possédant des droits inhérents de gouverner à l’intérieur de leurs réserves, d’édicter leurs propres lois, d’établir des tribunaux et de jouir d’une immunité contre les poursuites venant de l’extérieur »4, il en est bien autre au Canada. Historiquement, les lois fédérales canadiennes sont créées pour brimer les droits des peuples autochtones. La loi sur les Indiens, qui permet au gouvernement fédéral de gérer ce qui se passe dans les réserves par exemple, brime bon nombre de droits fondamentaux. Des mesures drastiques comme les pensionnats autochtones ont également brisé maintes fois la confiance des Premières Nations envers le gouvernement. En 1969, Trudeau père publie d’ailleurs le Livre blanc5, dans lequel il avoue sans fard vouloir assimiler les autochtones et briser le statut d’Indien. Pas étonnant donc que quelques années plus tard, fiston souhaite la réconciliation avec les peuples des Premières Nations du Canada.

Pour en venir à Wet’suwet’en

Ce qui se passe en ce moment, à l’autre bout du Canada, sur les territoires non cédés de la Première Nation Wet’suwet’en se rapproche grandement de ce qui est arrivé à Restigouche ou Oka en 1981 et 1990. Alors que les membres de la Nation située en Colombie-Britannique s’opposent à la construction du pipeline Coastal GasLink sur leur territoire en bâtissant un camp qui bloque la route aux projets de pipelines, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau envoie la GRC. Le problème, c’est qu’avec la Loi sur les Indiens, loi coloniale imposée par le gouvernement, le système de gouvernance héréditaire a été remplacé par six conseils de bande.6 « Malgré cela, le système traditionnel s’est maintenu et les 13 chefs héréditaires ont catégoriquement rejeté la construction de pipelines sur leur territoire. Toutefois, cinq des six conseils de bande ont signé des contrats avec Coastal GasLink pour la construction et l’exploitation d’un gazoduc d’environ 200 km en territoire Wet’suwet’en, en échange de différents avantages financiers. Cette offre était attrayante compte tenu du financement insuffisant accordé aux communautés autochtones, contrôlé par le fédéral, et des maigres possibilités d’autofinancement permises par la Loi sur les Indiens. Les signatures des chefs de bande servent désormais de sceau légal pour présenter l’action des chefs héréditaires comme radicale, hors-la-loi, voire illégitime. »7 Un cercle qui se referme de plus en plus sur lui-même, et qui démontre encore radicalement le but du gouvernement, celui d’assimiler les Premières Nations. Vous voulez de l’eau potable, du travail, du financement? Accédez à nos demandes polluantes et dommageables. Là où le gouvernement s’est tiré dans le pied avec la Loi sur les Indiens, c’est en limitant le pouvoir des conseils de bande aux réserves, or le projet de Coastal GasLink est situé en dehors de celles-ci.8 La Nation Wet’suwet’en demande donc à la GRC de quitter complètement son territoire et à la compagnie Coastal GasLink de cesser ses travaux et se de retirer aussi. Le mouvement d’appui a pris une ampleur nationale avec l’aide des Premières Nations situées dans les autres provinces canadiennes, comme à Kahnawake9 par exemple, qui ont pris d’assaut les chemins de fer transcanadiens, ainsi qu’avec l’aide de non-autochtones qui partagent les mêmes valeurs environnementales en plus d’appuyer les chefs héréditaires. Mais victimes des interventions policières et du racisme rampant contre les populations autochtones, plusieurs blocages ferroviaires ont été levés comme à Kahnawake10 par exemple, où la population préfère éviter les représailles des Québécois, d’autant plus qu’une grande partie de leurs enfants vont à l’école à l’extérieur de la réserve. C’est malheureux, mais c’est encore cette discrimination raciale systémique qui est à la base de leur décision.

Pendant ce temps en Amazonie

Depuis l’élection du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, la forêt amazonienne est brûlée et rasée pour être transformée en aires agricoles ou en mines. Le président ne cache pas non plus son envie « d’intégrer » les populations autochtones au reste de la population, ce qui fait gronder la colère au sein des communautés, qui sont pour certaines, complètement isolées dans la forêt amazonienne : « « This government that’s in power today is trying to exterminate the indigenous people, but our people are warriors, » indigenous leader Cacique Dara was quoted by AFP news agency as saying. « We don’t care about wealth, what’s important is nature. » »11 Et quand on leur pose la question, jusqu’où êtes-vous prêts à aller pour sauver votre territoire et votre forêt?, ils répondent sans hésiter, jusqu’à la mort.12

Pour plus d’informations sur les luttes autochtones canadiennes :

Références

Photo de couverture : source

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