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Barmaids : cocktail du vide

Depuis début janvier, Musique Plus diffuse un docu-série mettant en vedette des jeunes femmes ayant en commun le métier de barmaid. Choisies lors d’un casting, elles décapsulent des Bud’ à Montréal, Laval, Vaudreuil-Dorion. Le concept est signé Simon Sachel, lui qui a donné au Monde l’émission 281 : Les dieux de la scène, qui s’intéressait aux danseurs nus du célèbre bar sur Ste-Catherine, et Beachclub, qui se concentrait sur le haut lieu de célébration du clinquant tape-à-l’œil de la jeunesse dorée du 450. Barmaids est produit par la boîte Datsit, qui est aussi derrière l’émission Célibataires et nus, qui suit des gens célibataires, et nus. OK, vous commencez à voir le pattern?

Les Américains sont forts sur le divertissement trash. Depuis près de trente ans sur le plateau de Jerry Springer, des grosses Amaricaines cassent des chaises en bois sur le dos de leur baby-daddy fugitif ou se battent à coup de faux ongles, toton sorti pour le cœur d’un Kéveune du Nebraska. On a aussi souffert la transition du canal TLC (The Learning Channel) vers un aquarium de la bêtise humaine, où Honey Boo Boo et sa famille de péquenauds édentés se roulent dans la boue en faisant du motocross, font des concours de pets pis de rots et mangent des Cheetos pour déjeuner. C’est sans compter les séries Real Housewives, qui suivent des « femmes de » (lire : ancien sportif riche, homme d’affaires, ex-musicien, etc.) quarantenaires ou cinquantenaires, autant angoissées que liftées et qui ne sont filmées que pour se lancer des coupes remplies à ras bord de Sauvignon en pleine face en faisant de la querelle populaire sans contenu. On nous a donné les sœurs Kardashian qui sentent leurs bobettes à savoir qui c’est qui avait la meilleure odeur de noune. On nous montre des mères catiner leurs filles en danseuse de poteau dès l’âge d’un an pour des concours de Mini Miss. On remplace un espace de dialogue par du spray tan, des brassières rembourrées, de l’ombre à paupière bleue, et ben de la quincaillerie de zircons incrustés.

On dit que les femmes sont sous-représentées à l’écran? Calvaire. Ça va ben.

Non content de s’abreuver du Kool-Aid de ses voisins d’en bas, Québec peut maintenant se targuer de produire aussi sa bonne scrap fade et stérile. Ah, parce qu’on sait que ce n’est pas la belle voix suave de Charles Tisseyre qui fait #trender les réseaux et les tremplins – quoique, on serait-tu ben, han? –, c’est plutôt l’apanage de belles grosses boules qu’on filme au ralenti quand elles s’entraînent au gym, quand elles mangent de la salade et quand elles boivent de la vodka à même la bouteille. Du slow motion de toton, ‘ga, c’est toute ce qu’on veut.

Tremplin triste, car dans ces appelées, comme ce fut le cas pour d’autres téléréalités pour matantes qui appellent pour donner leur piasse, il n’y aura que peu d’élus. Pour toutes, en somme dans ce cas-ci, une belle publicité et une publicité pour le bar où elles travaillent. L’une d’elles, en communication, s’annonce déjà disponible pour des contrats d’animation sur sa page. Pour les autres, des soirées VIP où elles signeront des autographes dans des nightclubs de région pendant six à huit mois, ou un démarrage d’entreprise, un retour aux études, un achat d’une autre nouvelle paire de jos? Toute se peut.

Tremplin triste, car le rêve américain n’est pas mort; tout le monde a le droit de rêver et la réussite est accessible à tous. Mais qu’est-ce que le rêve? Quelle est-elle, cette réussite? « Donner un bon show » pour que le producteur soit content en trouvant sa catchphrase? En larmoyant des micro-histoires parce que Marie-Chose a renversé son cosmo sur la belle blouse de Marie-l’Autre? La réflexion, ça ne coûte rien et c’est accessible à tous, pourtant, on cache ici toute articulation d’une pensée mature, comme des choux de Bruxelles sous une tranche de baloney. Et loin de moi l’envie de vouloir critiquer une fille qui dit trop souvent « tabarnak » en étant plus tounue qu’habillée. Ce serait contre nature. Au contraire, je suis des premières à vouloir que les tribunes se multiplient, que le porte-voix ne soit pas qu’accessible aux élites scolarisées et bienpensantes. Qu’on entende plus de femmes, peu importe d’où elles viennent, peu importe ce qu’elles ont vécu. Mais justement, qu’on les entendent. À force d’appâter leurs personnages comme des produits, il reste fort à parier qu’on n’ira pas plus loin que l’emballage.

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