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Delphine et le bâton de la destinée

« Delphine, qu’est-ce que ça indique? »

C’était la voix d’Elliott qui parvenait jusqu’à moi travers de la porte de la salle de bain. Je me demandais si mes sanglots parvenaient aussi à ses oreilles, alors que j’étais assise sur la cuvette, là où j’avais dû m’accroupir à plusieurs reprises pendant les quarante-huit dernières heures. La lumière passait difficilement au travers de la fenêtre givrée et le manque de soleil donnait un teint gris à toute la pièce, moi incluse.

Je croyais savoir ce que c’était la vulnérabilité, mais je crois qu’on ne l’a pas connue tant qu’on n’a pas été à moitié nue sur une toilette, ruisselante de larmes et d’urine, avec le bâton de la destinée entre les jambes.

Étais-je enceinte? Étais-je une maman? Étais-je prête? Devais-je avorter? Étais-je en train de perdre ce qu’il me restait d’enfance?

Plus les secondes passaient, plus mes orteils se resserraient contre le vieux tapis bleu poudre que je détestais tant. On serait à jamais liés par l’angoisse, lui et moi. Je ne pourrais plus jamais uriner en paix.

Le capuchon s’emboitait sur la tige du test de grossesse dans le vacarme d’un cliquètement et des pantalons de denim qui frottait sur ma peau alors que je les remontais à ma taille. J’avais l’impression que mon silence suffisait à Elliott pour comprendre ce qu’il se passait puisque tout était si bruyant qu’il pouvait suivre mes faits et gestes à l’oreille.

Je m’apprêtais à ouvrir la porte quand je m’aperçus qu’il l’avait déjà entrouverte. Son visage apparaissait doucement dans l’encadrement tandis que ses yeux cherchaient les miens. Ça ne m’en a pas pris davantage pour exploser en larmes. Il a saisi alors le bâton que je lui tendais.

Il ne lui avait suffi que d’un coup d’œil avant de se jeter à mes bras. Il passait la main dans mes cheveux.

« Chouchou, t’es pas enceinte. Pleure pas, tout va bien…  »

Mais je n’arrêtais pas de pleurer.

« Delphine, je comprends pas. T’avais tellement peur d’être enceinte tantôt que tu pleurais. Qu’est-ce qui va pas? »

« Je pense que dans le fond, je le voulais. »

« … »

Il a ensuite pris ma main et déposé ses lèvres sur mes joues mouillées.

« On va en avoir, un jour… »

Crédit : Egon Schiele

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