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Faire le deuil de son emploi

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On m’a déjà dit que la partie visible d’un iceberg était seulement 10% de sa grosseur totale. C’est 90% qui se cache sous l’eau. 90% d’inconnu dont on ne soupçonne pas l’existence. Donc, lorsqu’un navire heurte l’un de ces glaciers géants, il croit en toucher qu’une infime partie, mais c’est bien plus grand que ça.

La nouvelle nous est tombée dessus comme le navire est entré dans l’iceberg. Les patrons, en nous l’annonçant, pensaient toucher que 10 % de notre sensibilité. Ils pensaient que la nouvelle passerait comme une égratignure sur la coque du bateau. Mais une faille énorme s’est créée. Même un vaisseau indestructible comme le Titanic a su nous rappeler que rien, mais rien, n’est éternel. Il en était de même pour notre embarcation. C’était terminé.

Notre navire, avec les nombreuses heures que nous y avons passées, était devenu une seconde maison. Et l’équipage, une nouvelle famille. On y retrouvait toujours du réconfort, des conseils ou même un simple divertissement. Les heures de travail ne comptent plus lorsqu’on est bien entouré et qu’on se sent à sa place. L’eau s’infiltrait à l’intérieur du bateau à la même vitesse que nos esprits réalisaient que c’était la fin de cet équipage, de cette famille, de ces souvenirs et de cette atmosphère dans laquelle il faisait bon vivre. On a beau se dire qu’on restera en contact, une fois dans les chaloupes de secours, c’est vers des chemins différents que nous nous dirigeons.

À mesure que l’air disparaissait de la cabine, l’anxiété pénétrait nos esprits déjà embrumés par un mélange de frustration et d’incompréhension. C’est le moment où tu réalises personnellement que tu te retrouves sans emploi. Que tu vas devoir t’en trouver un autre. Mais qui donc voudrait d’un matelot dont le navire a sombré? Il ne faut pas que tu penses comme ça, mais c’est difficile de faire autrement parce que toi, même si le bateau coule, tu dois continuer à vivre.

Et là, tu ne peux pas t’empêcher de penser aux piliers de la place, tes capitaines, ceux qui sont là depuis le commencement et qui doivent quitter une énorme partie de leur vie. C’est une gigantesque page à tourner pour toi, mais, pour eux, c’est un livre au complet à refermer. Les émotions déferlent comme des vagues dans la vie de tous ceux qui subissent cette épreuve, certains resteront bien droits, alors que d’autres se laisseront éroder par le mouvement incessant de la marée.

À cet endroit qui nous a vus courir, rire aux éclats, pleurer parfois, grogner, tomber, manger, grandir, mais surtout à la famille que nous laissons derrière et qui nous a fait devenir de meilleures personnes, merci. Merci pour tous les moments, mais surtout pour tout l’amour.

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