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Harcèlement sexuel… J’ai été ta victime

C’était il y a longtemps. J’étais encore une adolescente. J’avais 15 ans, un copain depuis plus d’un an, plusieurs amies. Je n’avais pas eu une enfance facile, loin de là, mais j’étais quand même une fille bien dans ses baskets, souriante, plutôt à l’aise avec sa sexualité et avec ce nouveau corps de femme.

Jusqu’à ce que tu arrives dans ma vie.

Toi, t’avais 17 ou 18 ans. Physiquement, tu n’avais déjà plus rien d’un adolescent, grand et costaud que tu étais. C’est après avoir échoué ma deuxième année de secondaire, en classe de cheminement particulier, que je t’ai rencontré.

Je ne saurais pas dire quand tout ça a commencé. Par contre, je peux te dire que ça a duré suffisamment longtemps pour que j’en vienne à ne plus vouloir avoir de relations sexuelles avec mon copain (à qui j’étais incapable de parler de ce que tu me faisais subir), assez longtemps pour que je me mette à détester mon corps (bonjour les troubles alimentaires), assez longtemps pour avoir des pensées suicidaires.

Au début, en classe, pendant les cours, je ne pensais qu’à toi, à ce que tu me ferais dès que tu aurais l’occasion de me pogner dans un coin, sournoisement, avec tous ces gens autour, tous ces élèves et ces professeurs occupés à regarder ailleurs.

Je ne pensais qu’à tes mains, tes INDÉSIRABLES mains sur mon corps. Tes mains qui touchaient, fouillaient, tordaient brutalement, douloureusement, mes seins, mon sexe… Tes SALES mains.

Je ne pensais qu’à tes mots, qui se répétaient à l’infini dans ma tête : « Si tu le dis, je vais te traîner dans le bois en arrière de l’école et je vais te violer. Et je vais dire que tu voulais. Les filles comme toi aiment ça! ».

Souvent je me suis demandé s’il y en avait d’autres. Étais-je la seule? Comment m’avais-tu choisie?

À la fin, je n’y pensais même plus, à tout ça, à ce qui allait se passer quand tu en aurais l’occasion. Tout ce qu’il y avait dans ma tête d’adolescente maintenant complètement paumée et détruite, c’était ce scénario suivant : j’écrivais une lettre à l’une de mes enseignantes préférées, Martine ou Brigitte. Je la lui donnais et j’allais aux toilettes des filles. Pour m’ouvrir les veines.

Pour m’ouvrir les veines.

C’était il y a 25 ans. J’ai fermé ma gueule comme beaucoup trop de filles, d’adolescentes, de femmes jeunes et moins jeunes le font. Puis l’année scolaire s’est terminée, j’ai demandé un transfert dans une autre école secondaire de la région. On ne m’a pas posé de question.

Je ne t’ai pas revu avant l’année de mes 40 ans. À mon travail. Et quand je t’ai vu, j’ai paniqué, j’ai été me réfugier aux toilettes, comme si j’étais encore l’adolescente dont tu abusais. Comme si tu pouvais encore me faire du mal. Je tremblais et mon cœur battait si fort que j’ai eu la nausée.

Mais tu ne peux pas. Tu ne peux plus m’atteindre. Tu aurais trop à perdre. On m’a fait comprendre ça. Et je ne suis plus une adolescente. Je ne suis plus ce petit oiseau que tu blessais avec tes actes, que tu humiliais, rabaissais.

Est-ce que je t’ai pardonné? Disons que ça dépend de certaines données que je ne connais pas :

As-tu regretté tes actes? As-tu déjà pris conscience du tort que tu m’avais causé? Y as-tu déjà repensé? As-tu changé? Es-tu devenu quelqu’un de bien, quand tu es devenu un homme? Quand tu es devenu père? Accepterais-tu qu’un gars traite ta fille comme tu m’as traitée? Comment réagirais-tu si elle te racontait « notre histoire » ?

Je ne saurai jamais. Et honnêtement, je ne veux pas le savoir. Ça t’appartient. J’espère juste que tu es devenu quelqu’un de bien.

Je n’ai pas à te pardonner, ou pas. Et à partir de cet instant, je ne reviendrai plus jamais sur cette histoire.

Voilà pourquoi : C’est à moi que je pardonne aujourd’hui.

Je me pardonne d’avoir été trop effrayée pour parler. Je me pardonne d’avoir pensé que j’étais faible. Je me pardonne d’avoir eu honte. Je me pardonne d’avoir pensé que ça venait de moi, que c’était mon corps de femme. Je me pardonne d’avoir pensé au suicide. Je me pardonne tous mes silences. Je me pardonne de ne pas avoir fait confiance à mes proches. Je me pardonne de ne pas m’être battue, de ne pas avoir crié haut et fort. Je me pardonne d’avoir gardé mes cris à l’intérieur. Je me pardonne l’anorexie, la boulimie et je me pardonne les lames sur ma peau.

Je me pardonne et ce livre, je le ferme aujourd’hui, 25 ans plus tard. Ainsi soit fait.

Par Jeanne C.

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