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À ceux et celles souffrant du syndrome de l’invisibilité…

Ce n’est rien, ça passera. L’invisible est indescriptible, mais sa présence est si perceptible. L’invisible qui fait mal, qui brûle, qui gruge, qui rappelle constamment qu’il est là; cet invisible qui rend fou et vous fait paraître fou, car vous ne parvenez pas à l’exprimer, mais vous réagissez brusquement. L’invisible en question sait se transformer, se propager, prendre différentes dimensions et surtout, différents degrés.

L’invisible est parfois handicapant, il vous prend soudainement ou progressivement sans se questionner à savoir s’il dérange. Mais il dérange. L’invisible parvient à imprégner l’ensemble de votre corps et votre monde cesse. Vous perdez soudainement vos repères et dans votre tête s’installent le chaos, les multitudes de possibilités et de « si jamais », « et si », « vaut rien », « jamais », « toujours ». L’invisible est mesquin et omniprésent, mais parfois il dort. Sauf qu’il a le sommeil léger. Il suffit de sentir que votre corps vit un sentiment quelconque, il saura se réveiller pour dominer ce qu’il pense avoir manqué. Il saura certainement prendre le dessus et compenser pour sa latence durant sa somnolence.

L’invisible : la maladie mentale. La maladie mentale n’est pas perceptible de l’extérieur, mais intérieurement elle influence l’être. Et parfois, à cause d’elle, vous avez, au contraire, l’impression de n’être rien. La maladie mentale est taboue et remplie de jugements. Le silence est son synonyme et l’incompréhension, son acolyte. Il arrive qu’elle vous succombe d’un seul coup si rapidement que vous vous en retrouviez désemparé et l’incompréhension chez les autres règne soudainement face à votre changement de comportement. Comment expliquer que quand le mal vous envahit, vous vous absentiez? Comment expliquer que l’ennemi réside constamment chez vous? Il est si fort qu’il parvient à vous faire disparaître de votre chez-vous : pendant quelques secondes, vous quittez votre monde pour un autre si obscur et inconnu qui ne mérite pas d’être abordé. Vous ne voulez pas en discuter : ce monde est terrifiant et vous y êtes souvent seul; seul dans votre solitude, effrayé dans sa terreur. C’est là que l’inconfort prend place entre les gens, alors que l’entraide aurait dû s’imposer. Face à l’incompréhension, le rire ou la petite tape dans le dos s’installent et prennent la place du « parle-m’en ».

Saint-Exupéry disait de manière si juste : « L’essentiel est invisible aux yeux. » Peut-être ne parlait-il pas de santé mentale, mais il est possible de considérer que celle-ci s’y applique. Il arrive que votre monde soit désordonné à un point tel que vous vous sentiez succombé par la pesanteur de la vie. Alors, à la place de quantifier la lourdeur du poids avec une balance pour observer le résultat, pourquoi ne pas accompagner la personne vers un allègement sans même avoir le chiffre en tête? Si le chiffre est plus élevé que la norme, est-il nécessairement plus important? Comme disait si bien Auguste Comte : « Tout est relatif, et seul cela est absolu. »

« Respire et vois le côté positif des choses. » Il n’y a rien de pire que de minimiser la souffrance de l’autre de par notre incompréhension de ses sentiments. La douleur est subjective et se situe sur un continuum : en aucun cas, qui que ce soit peut se donner le privilège d’aller graduer et comparer sa douleur à la vôtre. Dire à quelqu’un qui souffre intérieurement que les choses vont bien aller peut parfois banaliser les sentiments de l’autre et le mèneront à remettre en question son expérience personnelle en la qualifiant d’exagérée. Il y a une différence entre la rationalisation et la banalisation des sentiments.

Le regard rivé dans le vide, les pensées absorbées par l’Univers en entier, il arrive que vous  échappiez de nouveau à votre réalité comme vous savez si bien le faire. Entouré du brouhaha de la vie, vous vous absentez pendant quelques secondes. Personne n’a remarqué. Personne ne remarque jamais. Certains diront que vous êtes tombé dans la lune et que vous rêvez, alors qu’au contraire, vous ruminez vos cauchemars en plein jour. Est-ce à ce point utile de commencer à aborder vos nuits? Les pensées se bousculent dans votre tête comme les molécules lorsqu’il fait chaud, puis voilà que tout explose, mais rien ne sort. Aucune larme, aucune expression, jusqu’à ce que quelqu’un s’approche et qu’un sourire se dessine sur votre visage. Vous n’êtes même pas l’artiste. Il est toujours plus facile de montrer que tout va bien pour éviter d’expliquer pourquoi rien n’est jamais allé. L’évitement à son apogée. La maladie mentale est comme votre ombre : elle vous suit constamment et agit plus vite que vous tout en parvenant à vous faire perdre le contrôle. L’essentiel est d’agir comme Lucky Luke, en étant plus rapide que votre ombre. Les métaphores sont toujours si faciles à aborder, mais, malgré tout, si difficiles à appliquer.

Il est difficile de rendre crédible quelque chose d’invisible. Peut-être est-il possible de comparer l’expérience de la santé mentale à l’histoire du petit garçon qui criait au loup. C’est l’histoire de la personne anxieuse, dépressive, schizophrène, bipolaire, dépendante ou autre qui dit se sentir soudainement plus soi et qui ne peut sortir de chez elle de par son incapacité à supporter quoi que ce soit, mais ce, sans preuves. Et pourtant, elle vous jurera qu’elle n’est pas bien. Les autres verront ça comme le petit garçon qui annonce au village que le loup arrive alors que ce n’est pas le cas. Sauf que lorsqu’il est question de la santé mentale, le loup arrive véritablement, et ce, avec son troupeau. Et puis au final, vous vous retrouvez critiqué pour votre constante tendance à ne pas pouvoir voir le verre à moitié rempli. Ne pourriez-vous pas faire cet effort dont on vous parle depuis si longtemps? Je dénonce le manque de considération pour la douleur invisible, qui parce qu’elle est indescriptible, est incomprise et reprochée. Mais que représente le verre en tant que tel? Qui a décidé d’y verser l’eau? Qui même pose la question à savoir comment on le perçoit?

C’est l’histoire des silencieux qui souffrent et des douleurs qui crient dans leur plus profond intérieur. C’est l’histoire des médecins et sociologues qui n’ont pas encore trouvé de remède aux aveugles à la souffrance humaine. C’est l’histoire de devoir grandir plus vite sans avoir terminé son enfance. C’est l’histoire de vivre un quotidien en manquant de contrôle et d’air. C’est l’histoire d’une vie incompréhensible à laquelle aucun test de compréhension en français ne vous a préparé. C’est l’histoire du pouvoir qu’enfant, vous vouliez tant…celui d’être invisible. Voilà que quelques années plus tard, vous l’êtes devenu. Voilà que quelques années plus tard, vous n’avez qu’une envie : celle de changer de pouvoir et d’acquérir celui de voyager à travers le temps pour changer le pouvoir d’invisibilité.

C’est à nous de regarder ceux qui croient être invisibles en leur disant : « Sauf que moi, je te vois. » Parce que c’est bel et bien le cas.

Par Marie Tougne

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