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« Dans mon temps, on travaillait pas pendant nos études! » Tu l’as entendu des centaines de fois de la bouche de gens d’un certain âge, dédaignant le mode de vie des étudiant.es de cette ère les dépassant. Évidemment que tu choisis de te passer de week-ends, de soirées et d’heures de sommeil pour la simple et unique raison que tu te conformes à ta génération aux goûts de luxe et aux multiples caprices. (Soupire…) On repassera pour mononcle chose qui a vécu à une époque où travailler l’été, c’tait ben en masse pour toffer l’année.

La réalité est que l’âge légal pour travailler vient pratiquement au même moment que la nécessité d’un revenu et le début des études supérieures. Et c’est là que la folie commence. Parce que ce ne sont pas les parents de tous qui peuvent assumer les coûts des études et ce ne sont pas tous les étudiants qui ont le choix de rester chez leurs parents. Vivre avec ses propres moyens ne devrait jamais être vu comme relevant de l’étourdissement ou du caprice, les étudiants post secondaire ne sont d’ailleurs plus des enfants.

C’est donc logiquement que tu te retrouves à devoir combiner travail, études et tentative de vie sociale pour plusieurs années à venir. Le premier jour, tu commences tout sourire, prêt à faire n’importe quoi, à endurer n’importe quel contexte qui te donnera une paie dans deux semaines. Tu te sens en contrôle, t’auras le temps de tout faire. Sauf que t’es à l’école trois jours, même quatre, tu veux travailler vingt heures, on t’en donne trente. T’as rien à dire. La semaine prochaine, t’en feras peut-être quatre. Ou peut-être pas du tout si tu continues à prendre congé pour étudier. On te tient de cette façon-là. Sauf que toi, t’as besoin de ta paie.

T’entends ce que vivent tes amis, c’est du pareil au même. Horaires instables, pression de vendre, salaire minimum, pis qu’on ne te surprenne pas à dépasser ta pause surtout. Sans compter que pratiquement la totalité des jobs étudiantes implique du service à la clientèle et qu’à ce sujet, tu pourrais écrire un livre entier sur la patience et la maîtrise de soi que cela demande. Mais tu tiens bon. T’as un cours le matin jusqu’à onze heures trente, t’es à la job à midi pour finir à neuf. Pis ça, c’est si Nicole veut bien partir à la fermeture plutôt que d’ignorer les lumières qui se ferment et prendre le temps d’essayer la boutique au grand complet à 20h58. Tu gardes le sourire, tu endures les clients, tu t’adaptes à des systèmes de gestion plus que discutables. Et il y a ces autres commentaires qui parsèment les discussions te concernant : « Ah ouin? T’aimes ça vendre du linge de madame? », « C’est ben de la marde comme job. Trouve-toi autre chose! », « Tu vas rester là encore combien de temps? » ou n’importe quelle autre forme de mépris, souvent provenant de connaissances pouvant se passer d’un emploi durant la session. C’est aussi une façon d’entretenir le dédain de certains emplois, de les considérer comme des jobines futiles et peu demandantes.

Mais toi, tu le sais très bien pourquoi tu la gardes, ta job, ce que ça prend pour te retrouver dans un horaire comme le tien. Tu ne le fais pas que pour te payer ta bière du vendredi, quoique fort méritée, ni pour t’offrir le catalogue Simons. Heureusement que tu as des collègues qui te permettent d’affronter tout ça en se serrant les coudes et en partageant la même réalité que la tienne. Ce sont sûrement les personnes dont tu te sens le plus proche la plupart du temps et qui te poussent à défendre ce travail si souvent dénigré.

Et un jour, diplôme en poche, tu quitteras cet emploi, mais sans complètement refermer la porte derrière toi. Parce que ces années où tu repoussais les limites du temps, du sommeil et du stress, elles ont forgé ta façon d’affronter le monde et les gens. Elles sont à l’origine de grandes amitiés, elles t’ont permis de prendre conscience de ta valeur, et surtout, de prendre position dans ce débat que tu continueras de mener. Une jobine? Tu sais très bien qu’il n’en est rien.

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