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Le cadeau empoisonné de mon père – Par Noémie Rousseau

Le ciel est parfait, d’un bleu profond, d’un bleu de nuit, un ciel d’étoiles aux reflets dorés et brillants. Le vent quant à lui est juste à la bonne température, chaud et sans humidité. Un vrai soir d’août, une soirée comme je les aime. Ma jupe permet à mes cuisses de se dénuder de par la légèreté de son tissu fin. En d’autres circonstances, je l’aurais probablement remise en place, mais c’est sombre, et j’aime la fraîcheur que ça m’apporte.

Un temps comme celui-ci me rappelle la campagne : le bruit des feuilles qui dansent dans les arbres au souffle du vent, la senteur du bois mélangée à celle de la terre et de l’herbe qui…

« AYOYE, TABARNAK! »

Je n’avais pas vu l’immense chaîne qui bloquait la continuité du passage pour cyclistes du Vieux-Port de Montréal. J’ai foncé direct dedans, et je me suis ramassée sur le cul, la jupe en l’air, sous les regards étonnés des piétons et des p’tits messieurs des calèches sur le bord du trottoir. Mon vélo était tout croche en plein milieu de la ligne jaune qui sépare les deux voies, et moi, j’étais à terre, un peu, pas mal toute croche.

Si j’avais su regarder devant moi au lieu de me raconter des conneries, j’en serais pas arrivée là. Pourquoi faut toujours que le malheur me tombe su’a tête? Ou c’coup-ci, qu’il me fasse plutôt tomber… Fuck ma vie!

En fait, j’en serais pas « arrivée là » si, un samedi matin, mon père n’avait pas eu l’idée d’aller se promener avec moi dans le Mile End pour aller fouiller dans les bazars pis les ventes de garage. Mais comme je ne planifie jamais mes catastrophes, j’ai accepté parce que, moi aussi, j’aime ça fouiner dans les bazars et trouver plein d’affaires weird.

Fait qu’on s’est mis à fouiller, à fouiller, à fouiller, pis à fouiller encore jusqu’à ce que papa crie : « J’ai trouvé ton vélooooooo. Hey! J’ai trouvé ton vélooooooo. »

Ça faisait des mois que j’harcelais tout le monde comme quoi je voulais un vélo vintage top confo avec un panier à l’avant si possible, mais malheureusement, j’en trouvais nulle part. Soit trop pourri, soit trop cher.

Ouin, parce que le monde sur Kijiji pense que les gens qui magasinent sur le site ont les moyens d’acheter un vélo usagé à 4 000 piastres. Les créateurs du site devraient sérieusement penser à bannir tout article à plus de 10 piastres. En tout cas, c’est mon avis. Moi, c’est mon montant maximum. Vive les BS d’Hochelaga (moi)!

Toujours est-il que, finalement, nous sommes repartis avec ce vélo british bleu vintage ayant déjà appartenu à John Lennon adolescent. Ouais, selon une source fiable, on l’aurait déjà aperçu près d’Abbey Road, pédalant à toute vitesse pour échapper aux fans déchaînés.

J’étais loin de me douter que ce vélo m’apporterait autant d’emmerdes. Maudit, comme la Porsche de James Dean. Mais le pire là-dedans, c’est que j’étais encore plus loin de me douter qu’être cycliste, c’était la galère.

Alors, jeune crépu, futur wannabe cycliste, j’ai décidé de t’offrir, avec sincère générosité, mes trucs et conseils en cinq leçons pour ne pas répéter mes bêtises dans le futur.

Leçon n° 1

Quand tu t’achètes un vélo qui date des années 50, la première chose qui faut faire c’est un check up, surtout des pneus. Si t’es comme moi (pas vraiment wise), tu risques de te rendre loin, loin, loin pis probablement de te ramasser avec un flat loin, loin, loin toute seule, perdue, écœurée, pis de t’taper le même maudit chemin, mais à pied, avec un vélo à traîner. À moins que t’aies eu une mini supériorité de wiserie (ça se dit tu ça? On va appeler ça du franglais) pis que t’aies pensé à apporter ton portefeuille pour te rendre dans le magasin de vélos le plus près.

Je me rappelle encore de la face du gars quand il m’a dit que j’roulais avec les pneus d’origine. Et dire qu’on change nos pneus d’auto aux deux ans tandis que les miens en avaient 60!

Leçon n° 2 

L’avantage d’utiliser un vélo plutôt qu’une voiture, c’est que tu peux te saouler la gueule et ne pas être obligé de dormir chez tes amis, ou de te payer un taxi, ou d’être le premier à partir parce que le métro ferme à 1h pis que t’as juste 3,25 $ sur toi ou de risquer tout de même de prendre ton char quitte à « peut-être » te faire arrêter, remorquer, emprisonner, violer (n’échappe jamais ton savon en prison!), et tout ça, parce que t’as littéralement fait péter la balloune.

Mon truc? Prends ton vélo!

Quoi de mieux que de pédaler en étant frivole et heureux par une belle nuit d’été. Fais juste attention pour pas te tuer et, surtout, pose des lumières pour indiquer aux automobilistes que t’existes, parce que moi, rebelle comme je suis, je l’avais pas fait.

Ben là, inquiète-toi pas. Je me suis pas fait bumper, juste intercepter par les officiers de la loi (eeeeencore).

« Excusez-moi mademoiselle! »

« Excusez-moi mademoiselle! »

« MADEMOISELLE! »

Ah oui, un conseil. Essaye d’éviter de pédaler avec des écouteurs le son dans le tapis, les coch… les policiers n’aiment pas.

« Allo les gars. Ça va bien? » (N’oublie pas, j’avais bu!)

« Savez-vous pourquoi on vous intercepte? »

« Hum, j’sais pas… pour me souhaiter bonne nuit? »

(…)

« Vous n’avez pas de lumière derrière votre vélo. C’est dangereux pour votre sécurité. »

« Ah oui! John Lennon a oublié de les poser… Hum, je veux dire J’AI oublié. Désolée. »

« Et c’est une amende pour les écouteurs, la prochaine fois. »

« Désolée encore. Mais, vous devriez être fiers par exemple. J’suis saoule pis j’ai pas pris mon chaaaaar! »

(…)

« BONNE NUIIIIIIIIIIT LES GARS! »

Ici, à Hochelaga, c’est nous qui faisons la justice.

Leçon n° 3

J’attendais mon ami. Ça faisait déjà deux heures qu’il était censé être arrivé. Je commençais à m’inquiéter sérieusement quand, tout à coup, le téléphone a sonné. C’était lui, m’avertissant qu’en voulant partir de chez lui, il avait glissé sur les marches mouillées de l’entrée, et il s’était barré le dos.

Bon, je l’admets. J’ai un peu ri de sa gueule!

« J’ta l’hôpital là. Viens me rejoindre là-bas, c’est crissement long attendre. »

Ça me tentait fuck all d’aller à l’hôpital un samedi soir à grosse pluie, mais, en même temps, c’est vrai que ça devait être long pour lui aussi.

Fait que j’ai pris mon sac à dos, j’ai mis de la bière dans mon thermos Annie (j’ai l’air alcoolique vite de même, mais faut pas oublier que c’était samedi ET l’été) pis j’suis partie, à travers la tempête, en pédalant de toutes mes forces.

J’ai pédalé, pédalé et pédalé jusqu’à ce que je glisse sur une patch de métal au beau milieu d’une rue déserte. Ça fait mal en criss!

Mon conseil? Évite à tout prix tout ce qui est susceptible d’être glissant quand c’est mouillé : track de chemin de fer, bouche d’égout, patch de métal, etc.

Au moins, c’était déjà prévu que j’aille à l’hôpital. Deux colons avec le dos barré, ça n’a pas de prix!

Leçon n° 4

Après quelques semaines dans la peau d’un cycliste, tu commences véritablement à te trouver hot, genre vraiment hot! Tellement que tu te mets dans la tête que tu serais capable de te rendre chez tes parents, à 60 km de chez toi, pour te faire dire que « t’es bonne » pis que « t’es la meilleure ». T’sais, un genre de défi personnel qui s’enligne vraiment pour finir en grosse marde? Tu vois le concept?

J’entends encore mon père me dire : « Fais pas ça, t’arriveras jamais en vie. En plus, y’annonce peut-être de la pluie. J’te l’dis, fais-le pas, surtout pas avec une vieille bécane. »

Mais j’ai une tête de cochon. Alors j’suis partie, la tête haute, en avertissant mes parents que j’allais être arrivée pour le souper. J’ai roulé et roulé et encore roulé, mais je me suis perdue et perdue et encore perdue (Longueuil, c’est plus grand que je pensais), puis je me suis enfin retrouvée, 30 km plus tard!

Je me sentais comme Forrest Gump quand il courait sans jamais arrêter, sauf que moi, j’ai dû arrêter. J’ai arrêté parce qu’il s’est mis à tomber des morceaux de glace. Des gros chunk de glace.

Qu’est-ce que tu fais dans ce temps-là?

Tu vas te réfugier sur le balcon le plus proche que tu vois. Moi j’ai fait ça, et une gentille madame est sortie de la maison et m’a offert une bouteille d’eau. Elle avait probablement un peu pitié de moi, mais pas assez pour me laisser attendre en dedans.

Après une heure à attendre une pluie qui finissait plus, trempe à lavette, j’ai dû déclarer forfait à mon père. Pis j’suis rentrée, en char, la tête moins haute.

Shit happens.

Leçon n° 5

Si tu veux être cool pis avoir un petit courant d’air rafraîchissant juste à la bonne place quand il fait vraiment chaud, porte une jupe! (Si t’es une fille).

Mon truc? Une pièce d’une piastre.

C’est pas mal plus efficace que de tenir ta jupe à une main quand y’a du monde autour ou de te ramasser la noune à l’air (si tu portes pas de bobettes) quand t’as oublié.

Regarde ÇA! C’est Laurie qui m’a montré le vidéo.

Donc pour ma part, malgré toutes ces mésaventures, j’ai vraiment hâte au printemps pour ressortir mon nouveau moyen de transport et te raconter d’autres super fails inédits de ma vie. J’espère que je t’ai donné, à toi aussi, envie d’essayer.

Et un merci spécial à mon papa, qui m’a offert le plus beau cadeau du monde. (À moins que tu m’achètes une Porsche un jour, là, ça va devenir le deuxième plus beau cadeau du monde!)

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