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Le p’tit gars – Par Carolanne

Tôt le matin.

Le p’tit gars s’ levait.

C’te p’tit gars-là, y s’levait pour penser. Y d’vait penser à son futur métier. Son père était découragé. « Moi, quand j’t’ais jeune, j’savais déjà c’que j’allais faire. En fait, j’avais même pas l’choix. Compte-toi chanceux, toi, tu l’as. » C’te phrase-là, le p’tit gars l’avait entendue des millions de fois. Mais le p’tit gars, y’était convaincu que son père, y’avait pas compris la vie. Pour vous dire franchement, j’suis ben d’accord avec lui.

Le p’tit gars, quand y s’levait pour aller travailler dans’ ferme à l’aube, ça y tentait. Tout l’temps. Y s’plaignait jamais. D’nos jours, suffit de s’dire : « C’correct, j’m’en vais faire d’l’argent. » C’t’ait pas l’cas du p’tit gars. Y pouvait pas s’dire : « Oh, j’vais faire mes onze piasses de l’heure, pis j’vais être content. » Non. Le p’tit gars, c’qui ramassait, ça s’comptait en cennes noires. Ça s’comptait en p’tits bouts d’pain qu’il donnait souvent à ses frères et sœurs. Pis ça l’dérangeait même pas. Y trouvait ça beau d’même, la vie.

Le p’tit gars, y voyait du beau dans tout. Même dans c’qu’on trouve laid. Les odeurs de poisson qui traînent dans p’tite rue d’terre, y’aimait ça. C’t’ait la vraie vie, ces odeurs-là. Le p’tit gars, y vivait dans un monde vrai, sans artifice. Y’enfilait sa salopette brune en v’lours pleine de bouette, sa chemise rayée d’un vert pis d’un beige qui avait déjà été blanc, ses souliers bruns pis son béret assorti, pis y’était prêt à s’expliquer le monde entier.

Le p’tit gars, y’était ben silencieux, mais dans sa tête, c’était le chaos total. Le p’tit gars, y rêvait d’une époque où l’apparence pis la technologie, c’pas important. Y l’aurait-tu un jour? Ça, y l’savait pas. Pis y l’saura probablement jamais. Mais c’qui savait, c’te p’tit gars-là, c’est qu’il allait tout faire pour que sa descendance connaisse cette époque-là. Pour qu’a sache c’est quoi de vrais beaux jours.

Y’était d’même, le p’tit gars. Toujours en train de se sacrifier pour le bonheur de ceux qui allaient suivre son chemin.

Le p’tit gars, y’avait même pas de longue-vue, pis y voyait plus loin que ben des marins.

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