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« Must-read »: Reflets dans un œil d’homme, Nancy Huston

Connaissez-vous ce genre de livres qui vous faire dire « Mais oui, tellement ! » à voix haute à la lecture d’une phrase dont la clairvoyance est telle qu’il est impossible de faire machine arrière?

Ce genre de livre que vous ne voudriez jamais finir, garde à jamais au fond de votre sac pour pouvoir le ressortir dans les moments de doute?

Tout au long de ma vie de lectrice, plusieurs ouvrages ont eu cet effet-là sur moi, mais le dernier en date est encore plus spécial que les autres. Il s’agit d’un magistral texte de Nancy Huston intitulé Reflets dans un œil d’homme publié en 2013 chez Actes Sud.

« Les hommes regardent les femmes. Les femmes se regardent en train d’être regardées. Cela détermine non seulement la plupart des rapports entre hommes et femmes, mais aussi le rapport des femmes à elles-mêmes. L’observateur à l’intérieur de la femme est masculin, l’observée féminine.

Ainsi la femme se transforme-t-elle en objet – et plus particulièrement en objet visuel, c’est à dire en image.

»

C’est un livre à la croisée des mondes : elle y mêle avec brio l’anthropologie, la sociologie, la philo, mais aussi elle parle avec honnêteté de l’expérience d’être une femme dans un monde d’hommes.

Reflets dans un œil d’homme nous fait cheminer dans les dédales complexes et parfois nauséabonds des systèmes de représentation. Nancy Huston y retrace avec précision les lignes fondatrices du statut délimitant de « La femme moderne ». Elle y explore l’univers magique et parfois dangereux du désir de la femme, de l’homme, de celui de l’homme pour le corps de la femme et de la femme pour elle-même…

Sans concession et avec une plume acerbe et aiguisée, l’auteure décompose les différents reflets contenus dans le regard de l’homme sur la femme à travers son image projetée par elle ou la société dans laquelle elle vit. Une partie non négligeable du texte se concentre sur la photographie; un chapitre, au discours innovant dans lequel elle s’attache à creuser les racines de l’imaginaire photographique en parallèle de l’objectification et de l’hypersexualisation des femmes/filles à travers les spectres de l’image et du regard.

Dans ce livre, elle tape du poing sur la table, revêt sa casquette féministe et dépoussière ce qu’elle considère comme obsolète et contre-productif dans le mouvement : la négation des différences entre les sexes comme argument à une quête de l’égalité parfaite.

À force d’argumentaires solides et crédibles, elle dépeint un tableau de sa vision. Elle dessine avec subtilité son rêve d’égalité, ses aspirations, elle cherche profondément les causes des échecs, elle propose des solutions.

J’ai senti et je sens toujours après plusieurs lectures, une volonté farouche de sa part de transmettre de l’espoir. De par ses réflexions sur la sexualité, l’image, la féminité, la maternité, la représentation, le féminisme, etc., Nancy Huston propose avec ce livre un outil pour nous aider à comprendre certains nœuds bien ancrés en nous; dans nos réflexes, dans nos relations avec nous-mêmes, notre corps et autrui.

Ce livre est contestataire, solitaire, solidaire, aussi subjectif qu’objectif, percutant dans sa manière d’aborder les problèmes. Le patriarcat, les médias et les arts dont ils sont les canaux n’en sortent pas indemnes. C’est une lutte que Nancy a entreprise, les mots comme arme et protection contre une réalité parfois cruelle et dont il fait bon de s’élever un peu.

Reflets dans un œil d’homme m’a permis de prendre du recul sur mon identité de femme, d’accepter ou d’éloigner les injonctions sociétales de mon expérience féminine; il m’a permis tant de choses, mais surtout il m’a apporté un peu de paix.

Depuis cette lecture, je suis une fan inconditionnelle de cette auteure canadienne aux mille couleurs. Ses talents d’écrivaine sont multiples et je vous invite sans plus attendre à découvrir sa prose (et même sa poésie).

Par ailleurs, je préciserai avec joie que ce livre est bon pour tous. Depuis ma découverte, je n’ai cessé de le prêter, de le conseiller, à des hommes et femmes confondus. Abstraction faite du titre, c’est un livre humain, écrit par un être humain, pour tous les êtres humains.

« L’humanité, c’est peut-être cela au fond : l’espèce animale ayant réussi à convaincre ses mâles qu’il n’était pas dans leur intérêt de toujours donner suite à leur désir de sauter (sur) les femelles. En ce sens, on peut dire que les hommes sont plus civilisés que les femmes, car ils doivent accepter que leur pulsion sexuelle naturelle (omnivore) soit limitée, contenue et redirigée par la société. »

Nancy, merci.

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