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Cher papa,

On sait tous les deux que t’as pas toujours été le papa dont j’avais besoin. Moi plus que toi, parce que ça n’a pas toujours été ta force, l’introspection. Ou peut-être que tu t’en rendais compte, mais que c’était trop confrontant de l’admettre.

J’ai appris très jeune qu’il y a du bon en chacun de nous, même chez les personnes qui nous font du mal, et cet apprentissage me vient en grande partie de toi. Parce que, très jeune, j’ai appris que si mon papa était fâché contre moi de façon disproportionnée, c’est que mon papa portait un sac à dos plein de bébites, et ce sac pesait bien lourd sur ses épaules.

On vit dans une société que je critique à grands coups de chialage, et cette société imparfaite, elle a longtemps créé des papas imparfaits. Heureusement, elle le fait de moins en moins, elle crée davantage de papas présents, aimants, soutenants.

Mais toi, papa, t’étais non seulement un papa forgé par la société de ta génération, t’étais aussi un papa ayant survécu à de grandes difficultés dans ta jeunesse.

Ça n’excuse pas les moments qui m’ont causé des daddy issues, mais ça explique.

Malgré ces explications, j’ai sérieusement considéré l’option de couper les ponts avec toi à l’âge adulte. Ce qui m’a empêchée de le faire, c’est que je savais que ça ferait de la peine à maman, pis maman avait déjà tellement souffert de tes difficultés à être le papa de ses enfants, je voulais pas ajouter ma coupure au reste.

Donc, j’ai réfléchi à des solutions.

Pour moi, fallait que la relation change. Fallait que tu changes, mais fallait que je change aussi. Fait que j’ai changé. J’ai appris à mettre mes limites. J’ai appris à prendre le pouvoir sur ce qui m’appartient, et à te laisser le reste. Pis progressivement, t’as changé. Les moments où t’avais pas d’allure se sont espacés.

Pis grand-papa est mort.

Ça, ça t’a changé en tit pé-père. T’es devenu plus affectueux. T’as commencé à t’intéresser à ma vie. La joie que j’avais quand tu me posais une question sur quelque chose d’actuel dans mon existence, tu sais même pas!

Pis, j’ai instauré une tradition. Une fin de semaine père-fille annuelle. L’un de nous fait la route nous séparant et on fait de la route à deux et on vit un moment ensemble. Pour la première fois durant la première édition de cette tradition, tu t’es excusé de m’avoir crié après sans que maman te l’ait demandé. Spontanément. Ces excuses me réchaufferont le cœur pour toujours.

On a continué de s’aimer de mieux en mieux.

Pis je t’ai dévoilé mon agression sexuelle. Les mots les plus difficiles que j’ai eu à prononcer de ma vie. Pis t’as changé. Moi aussi.

T’es devenu plus sensible, plus soucieux des autres. T’as développé une introspection que j’aurais jamais cru que t’aurais. Pis tout ça, ça t’a rendu tellement plus fort à mes yeux.

Quand j’étais petite, j’avais encore moins de filtre qu’aujourd’hui. Je t’ai même déjà dit que je comprenais pourquoi tu avais choisi maman mais que je comprenais pas pourquoi maman t’avait choisi. Ce jour-là, dont je me rappelle comme d’une journée ensoleillée en Floride, je t’ai blessé. T’as raconté cette histoire des dizaines de fois, toujours en riant, jusqu’à cette année, où tu l’as rappelée en disant que ça t’avait fait de la peine que ta fille de quatre ans ait pensé ça.

Pis ce qui m’a le plus heurtée quand tu as avoué ta douleur, c’est que je la partageais. Je ne pouvais pas dire que je ne le pensais pas, parce qu’on sait tous les deux que ç’aurait été un mensonge. T’as fait de ton mieux, mais c’était pas assez pour moi.

Mais ce que je peux dire aujourd’hui, ce que je t’ai dit à la deuxième édition de la fin de semaine père-fille, c’est que t’es devenu le papa dont j’ai toujours rêvé. Pis je l’apprécie probablement ben plus en ayant connu le papa imparfait d’avant.

Pis je trouve ça tellement beau, ce que t’es devenu, papa. Parce que t’es pas juste devenu un meilleur papa, t’es devenu une meilleure personne. Pis j’ai pas juste l’impression que tu m’aimes plus, j’ai l’impression que toi, tu t’aimes plus, toi. T’as l’air bien.

C’est dommage qu’il y ait fallu de grands malheurs pour te reconnecter avec toi-même, mais l’important c’est que tu t’es trouvé. Je me sens immensément chanceuse de te découvrir aussi là-dedans.

Je t’aime, papa. Bonne fête des Pères.

Source photo de couverture

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