La fermeture des bars approche, tu regardes l’heure sur ton cell en espérant voir apparaître un signe, deux trois mots qui te feraient sentir spécial, qui te diraient que quelqu’un pense à toi.
L’hiver, faut être motivé en maudit pour sortir de son lit à 2 h du matin pour aller rejoindre quelqu’un d’autre.
Faut sortir des couvertes, s’habiller, mettre son manteau et ses bottes, appeler un uber, sortir dehors, rentrer chez l’autre, se découvrir du manteau, des bottes, du reste, et finalement, finalement, rejoindre l’individu semi amoché par une soirée où la pêche n’a pas été assez bonne, dans des couvertes froides.
Donc comme on disait, t’es dans le bar, tes beaux yeux se sont fait répondre des « désolée, je suis en couple » toute la soirée, t’es sur le bord de recracher toute ton énergie du désespoir dans la toilette du fond qui se barre mal, ton cell t’aveugle chaque fois que tu le regardes avec espoir de voir autre chose que le temps qui passe apparaître sur ton écran.
Tu te sens poche, embrumé, tu voudrais que quelqu’un, n’importe qui, te rappelle que t’es désirable, qu’on t’a un jour aimé.
T’écris à deux, trois filles, toujours les mêmes ou à peu près, celles que t’as déçues, celles qui te laisseraient jamais tomber, celles qui t’estiment.
Je suis parmi celles-là.
Je te vois apparaître en haut de ma quotidienne et tardive partie de Candy Crush (ça m’aide à dormir d’aligner des bonbons pis de me faire dire que j’suis fantastique quand je finis un niveau du premier coup, chacun son truc).
« J’pense à toi. »
Ces mots-là, ces maudits mots-là.
J’ai le cœur qui fige, le corps aussi. J’suis pognée dans ma position fœtale. Y’est presque deux heures et demie du matin, je sais que j’ai rien demain, mais quand même, c’t’un peu tard pour aller rebrasser notre bonne vieille histoire d’amour.
Je sais que t’es célibataire, en fait j’suis pas sûre, on est jamais sûre avec toi. Je sais que tu vas finir par m’inviter chez toi, je connais par cœur la route jusqu’à ta porte que tu barres trop rarement pour un gars qui habite en plein centre-ville, je sais que je vais sûrement dire oui, ou dire non et le regretter toute la nuit.
C’est absurde, je sais. Je sais que ça m’amènera nulle part. Je sais que tu veux pas reprendre les choses où on les a laissées. Je sais que tu me texteras pas le lendemain, ni le surlendemain. Je sais que si c’est pas moi, ça sera quelqu’un d’autre pis que ça fait sûrement pas de différence pour toi.
Je sais que c’est absurde de dire oui.
Mais je sais aussi que ça sera doux, familier, que ça sera tendre, qu’on s’endormira collés parce que t’auras pas peur que je me fasse des idées. Avec le temps, j’ai arrêté de me faire des idées après nos rendez-vous nocturnes, j’ai compris que tes envies de soirée pis d’alcool étaient celles que tu t’avouerais jamais en plein jour. Je suis ton loup garou, j’apparais une fois par mois pis tu ferais toute pour éviter que le reste des villageois sachent que j’existe.
Mais tu reviens toujours, tu finis toujours par revenir. Et moi, tranquillement, j’arrive à dire non sans regretter, j’arrive à ne pas attendre de tes nouvelles le lendemain, j’arrive à trouver du doux sans ce faux doux-là que tu me proposes une fois de temps en temps en me faisant croire que je suis l’élue.
Ces choses-là prennent du temps à guérir, pis par ces choses-là je veux dire l’amour et les gens qui nous font sentir tellement bien et tellement mal en même temps, mais elles finissent par guérir.
Et une fois guéries, ça fait de la place pour que d’autre chose puisse arriver.
Prends soin de toi, mon loup, on ira prendre un café bientôt toi pis moi, en plein jour, mais d’ici là, reste donc chez vous tranquille à la pleine lune, question que tout le monde arrive à se guérir comme du monde, toi le premier.
C’est mieux comme ça.
Bonne nuit xx
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