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Tu es à la hauteur

T’es célibataire et tu le vivais assez bien jusqu’à présent. Tes ami.es te comblaient de joie et d’amour, tes projets allaient bon train, tu savais ce que tu voulais dans la vie, et ce que tu ne voulais plus. Depuis quelques années, les journées où tu te trouvais superbe et brillant.e étaient devenues plus nombreuses que celles où tu ressentais le contraire.

Puis, le confinement a été imposé à tout le monde. Tu as réinstallé ton application préférée, celle avec qui tu entretiens une relation d’amour-haine depuis le début : tu l’installes, la désinstalles, supprimes ton compte et t’inscris de nouveau. Si, en temps normal, tu ne parles à personne ou à une seule à la fois, le confinement te donne le goût de jaser à tous tes matchs en même temps. Les conversations s’alignent et se ressemblent toutes : blagues de corona-dating, jasette sur ce que t’as fait de ta journée, les impacts de la COVID-19 sur ton emploi, tes études… Rien de bien sérieux, plus un truc à faire pour combler le temps qu’un réel intérêt pour tous ces gens à 2, 10, 35 km de toi.

Puis, il y a cette personne différente qui te fait rigoler plus que les autres et avec qui la conversation perdure. Rien de bien sérieux là non plus, bien sûr. Mais ce sont quand même ses messages que t’attends le plus. Pour que les conversations ne cessent pas, tu remets en question presque chaque mot envoyé. Est-ce que c’est drôle? Est-ce ça me représente? Est-ce que c’est trop intense? Est-ce que je vais gosser? Les discussions continuent de couler. Tu essaies de te convaincre d’arrêter de te remettre en cause à tout bout de champ, que tu te trouvais bien avant la crise actuelle et que rien n’a changé depuis. Mais ça fait longtemps que tu n’as pas été intéressé.e par quelqu’un, et tu n’as jamais vraiment su comment gérer cela.

En plus, à travers tout ça, tes hormones ont décidé de faire le party 7 jours sur 7. Un rien t’émoustille et tu pars à la recherche du plaisir presque chaque jour, quand ce n’est pas plus d’une fois. Alors, avec tout ce bouillonnement du corps et les phrases qui continuent de défiler entre vous deux, ta tête commence à produire des images qui l’incluent de plus en plus. Mais si la réalité n’atteignait jamais ce stade? Si, dès la première fois qu’il te rencontrait, il trouvait tes cuisses trop grosses, ton ventre pas assez plat, ton visage trop rond? Tu ne veux pas te l’avouer, mais ton intérêt est grandissant et le rejet ferait mal. Tu recommences à te scruter dans le miroir, à t’analyser sous tous les angles, comme avant, quand ton poids était tout ce qui comptait dans ta vie.

Bref, tu te demandes si tu es assez. Tu as tendance à idéaliser tout le monde, sauf toi-même. Puis tu te raisonnes. T’as fait un gros travail sur ta propre personne, au cours de ces dernières années de célibat, et ç’a fini par avoir le dessus. Tu te lèves un matin et tu sais que tu ne veux plus renier tes valeurs, cacher tes intérêts ou te trouver joli.e que sous le regard d’un.e autre. Si ce crush ne te permet pas de rester authentique à toi-même, à quoi bon continuer de te faire des idées? Ça passera ou ça cassera. Et si ça passe, la réalité sera probablement mille fois mieux que ce que tu t’es imaginé.

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