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Une féministe militante qui part de loin…

Les gens qui me connaissent aujourd’hui savent que je suis féministe. J’aime partager mes valeurs et essayer de contribuer à ce que nous soyons tous égaux un jour ou l’autre, et expliquer à ceux qui ne comprennent pas la raison d’être du féminisme en 2018.

Pourtant, j’aimerais oublier certaines pensées que j’ai eues dans le passé. Je me sens horrible et honteuse aujourd’hui d’avoir cru et véhiculé certaines idées. C’est la raison pour laquelle j’ai autant espoir en la société. Je suis passée de misogyne à féministe militante et je ne crois pas être l’exception à la règle.

Je m’excuse d’avance de différencier autant les genres dans la suite de ce texte, mais ceci va aider à expliquer l’évolution de ma pensée au fil du temps. Je m’excuse aussi pour les millions de stéréotypes qu’une partie de mon texte contient. J’ai honte, mais je pense que c’est important d’expliquer comment je le vivais à ce moment.

Je viens d’un petit village sur la Côte-Nord. Comme vous le savez, la culture des petits villages est parfois conservatrice. Je ne veux pas généraliser et ce n’est en aucun cas méchant. Au primaire, les filles me rejetaient pour je ne sais quelles raisons. Je me plaisais à dire que je n’étais pas comme les autres filles, que j’aimais ça me rouler dans la bouette, faire du 4 roues et monter dans les arbres. J’étais un p’tit gars manqué et j’étais fière de l’être.

Au secondaire, je n’avais pas confiance en moi et j’ai commencé à éprouver de la haine envers les jolies filles populaires. Je ne comprenais pas pourquoi certaines se maquillaient autant et je les trouvais superficielles. Pour moi, une fille qui couchait avec plusieurs gars ou qui était tout simplement victime de rumeurs de ce genre était une salope. Au lieu d’accepter le fait qu’elles faisaient ce qu’elles voulaient de leurs corps, je les jugeais. Un jour, j’ai appris que quelqu’un de ma famille avait commis un viol, mais je ne voulais pas y croire. Quelqu’un avait même lancé l’idée qu’elle l’avait peut-être cherché en s’habillant de manière provocante. J’ai préféré croire cette option parce que ça me faisait moins mal que de croire qu’une personne proche de moi puisse en violer une autre.

En écrivant ces derniers faits, je me suis haïe. Vous avez le droit d’haïr cette personne aussi.

Vers la fin du secondaire, j’ai fait des rencontres exceptionnelles, des femmes qui ne correspondaient pas aux millions de stéréotypes que je détestais tant. Ces femmes me ressemblaient et pourtant on les qualifiait de féminine. Elles acceptaient leurs corps et leur sexualité et elles étaient intelligentes. Elles m’ont permis de remettre en question ce que j’avais toujours cru. J’ai alors décidé de m’accepter en tant que femme, avec ma personnalité, sans me fier aux stéréotypes. Je lisais beaucoup d’articles de blogs dans ce temps-là. Merci d’avoir écrit des articles variés pour nous conscientiser. J’y ai découvert des opinions et la vie de plusieurs humains très différents qui ont malgré tout les mêmes valeurs au fond. Certaines filles se maquillent beaucoup pour le plaisir de se trouver belles à leur façon, pas parce qu’elle se trouvent laides, mais juste parce qu’elles aiment ça. D’autres filles ne se maquillent pas, parce qu’elles n’en ont simplement pas envie. Il y a aussi des gars qui se maquillent, parce que, pourquoi pas?

J’ai appris à arrêter de juger les gens sur leur apparence, sur ce qu’ils veulent ou ne veulent pas. J’ai appris à respecter les victimes, à travers les gens que j’ai rencontrés et ceux que j’ai lus. Ça m’a rappelé une expérience que j’ai vécue à l’âge de dix ans. Je me suis fait voler mon vélo et c’était apparemment ma faute:

« Pourquoi n’as-tu pas fait plus attention? »
« Tu aurais dû le mettre ailleurs, moins à la vue. »

Je me sentais mal, parce qu’on a souvent la manie de faire culpabiliser les victimes. Pis c’est un peu à cause de ça que j’ai compris le reste.

Je viens d’un milieu où ce genre d’idées nous martèlent l’esprit. Comment voulez-vous qu’une enfant pense autrement? J’ai eu ces idées conservatrices et misogynes jusqu’à environ 16 ans, le temps qu’on me donne les outils pour m’y démêler. Des rencontres exceptionnelles et une éducation m’ont permis de mieux organiser mes idées. Par exemple, il y a les pensées qui viennent inconsciemment et que, finalement, je n’ai pas tant d’arguments pour les appuyer. Il y a aussi les pensées automatiques qui viennent du fin fond de mon enfance, mais qui vont totalement à l’encontre de toutes mes valeurs égalitaires. Et maintenant, je pense toujours aux valeurs, les vraies valeurs, qui me définissent et sur quoi je veux baser le reste.

Ce que je savais à cette époque, c’est qu’en étant née femme, je devais faire attention en société. J’ai vécu mon enfance avec des garçons et aujourd’hui, je peux voir en quoi ça été différent pour moi vs eux. Je me rappelle que le soir quand je revenais chez moi, je devais être vigilante pour ne pas me faire violer. À chaque fois qu’il faisait noir, j’avais la peur au ventre. Si quelqu’un me suivait, mon cœur palpitait, à – chaque – fois, depuis mes 8 ans. Naître femme amène aussi son lot de discrimination. Combien de fois on m’a dit que je n’étais pas game ou que je ne serais pas capable parce que j’étais une fille:

« Ben la, t’es une fille, t’es pas assez forte.» « Quoi? T’aimes les jeux vidéo pour de vrai pis t’es une fille? »

« Ben là, tu ne me battras sûrement pas, t’es une fille. »

En 2018, je suis féministe parce que si je fais de l’insomnie et que j’ai envie d’aller marcher à 3h00 du matin, je ne peux pas le faire. Ça serait irresponsable et ça augmente mes chances de me faire violer. Je suis féministe parce qu’on discrédite les victimes, c’est plus facile. Je suis féministe parce que les hommes n’ont pas le droit de pleurer. Ils ne peuvent pas être faibles et c’est pour cette raison qu’il y a un plus haut taux de suicide chez les garçons. Je suis féministe parce la fille qui accepte son corps et sa sexualité a toléré trop souvent le fait de se faire traiter de pute. Je suis féministe parce que les humains qui suivent leurs valeurs ou leurs passions et qui ne fit pas avec les stéréotypes genrés se font juger. Je suis féministe, parce que j’étais le résultat de tous ces stéréotypes.

Chaque jour, on me rappelle la différence entre les genres et je ne les accepte toujours pas. Que tu aies un vagin ou un pénis ne détermine rien d’autre que ce fait. Rien ne devrait être basé sur cette caractéristique physiologique et c’est ce que je déplore de la vision générale des gens. Parce que comme je suis née femme, ça venait déjà de déterminer une bonne partie de ma vie. J’ai discriminé les autres filles dans ce sens-là aussi et je m’en excuse.

Grâce à tout ce que j’ai vécu et mon cheminement, je comprends aujourd’hui. Je ne juge plus. L’objectif, au fond, c’est que les gens comprennent. J’ai écrit ce billet parce que j’ai espoir en un changement. Ça ne sera sûrement pas à l’heure actuelle, mais ce qu’on aura entendu reviendra en écho dans d’autres conversations et c’est ça l’important. C’est comme ça qu’un changement s’opère.

En 2018, je suis féministe et fière de l’être. Je sais que je ne suis pas la seule à être passée par les deux extrêmes. Je sais que d’autres personnes peuvent le faire aussi. Il faut parfois passer les limites culturelles ou éducationnelles d’un environnement pour mieux comprendre. Au fond, on attend juste l’élément déclencheur qui nous permettra de mieux comprendre les mouvements sociaux pour y croire à nouveau.

Crédit photo: Karianne Martel

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