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À toi, ma Tercel

Lettre d’amour à toi, Rita, Gertrude, Ginette : À toi, ma Tercel forêt, ma Corolla beige, ma 1998; À toi, ma liberté, mon autonomie;

À toi, ma première voiture, mon petit tas de ferraille d’amour, mon vieux « bazou » qui gazouille.

Qui gazouillait.

Je t’envoie une lettre d’amour aujourd’hui pour te dire à quel point du me manque, à quel point je m’ennuie de tes vieux sièges crème, de ton speaker droit qui « grichait » et de ton grand coffre qui manquait de spring.

J’ai toujours trouvé qu’on fusionnait et je ne peux m’empêcher de trouver qu’il n’y a pas juste les chiens qui ressemblent à leurs « maîtres ». Comme moi, t’étais rouge de caractère. Rouge passionnée, explosive, chaleureuse et dynamique. Comme moi, t’étais « S » sportive, avec quelques égratignures que t’avais prises au passage. Comme moi, tu n’étais pas la plus menue, t’avais des courbes et de bonnes fesses. Ta confiance m’a inspirée : t’as toujours trouvé un stationnement qui t’offrait une petite place, même si parfois c’était quelques rues plus loin.

Quand j’ai appris que t’avais la marque « reconstruite » dans ton carnet de santé, j’ai compris que toi et moi, ça serait une grande histoire. Nos petites peines intérieures, on les vivrait ensemble. J’ai caché ton carnet, on aurait nos petits secrets. Toi et moi.

By the way, ma petite Altima, pardonne mon précédent usage du mot « maître ». Ce n’était pas un jeu de pouvoir entre nous, t’étais beaucoup plus qu’une simple amie. On s’est suivies partout dans l’Canada, tu m’as accompagnée dans toutes mes idées trop spontanées. On en a viré des bonnes ensemble, t’as rencontré tous mes amis et t’as même reçu chaleureusement leurs illégales BDR.

T’as aussi été l’« aut-amoureuse » parfaite, à mon ex et moi : t’as fermé les yeux quand j’ai eu mon premier french, tu nous as réchauffés quand on avait froid et t’as embué tes vitres quand on avait trop chaud dans l’parking au bout du rang.

Puis, t’es celle qui m’a offert le désagréable choix de partir. J’ai été en colère contre toi, contre la décision qui en avait résulté. J’ai été en colère parce que tu m’as offert le out of the comfort zone qui me fait tant peur. Sans rancune. Rien n’arrive pour rien. C’était un beau saut dans l’vide pareil.

Mais quand même, j’ai sangloté, j’ai pleurniché. J’ai braillé quand sur repeat tu m’as hurlé du « Skinny Love », alors qu’il n’y avait plus de passager pour agripper ma cuisse. On a pleuré ensemble, en roulant sur la nostalgique 132.

Plus tard, au printemps, t’as ouvert ton toit, le soleil a bronzé mon épaule droite et on a chanté les vacances ensemble. On était beaux!

Je m’ennuie de toi aujourd’hui, parce que t’étais une machine créatrice de souvenirs de jeunesse, plus fous les uns que les autres. J’aurais voulu que toi et moi on puisse écrire plus d’histoires rocambolesques. Je m’ennuie même de ton caractère de merde, de toutes les fois où j’ai été pognée sur le bord du chemin, car ton alternateur me faisait une petite crisette ou que tu me boudais en barrant tes portes.  « J’avais-tu » vraiment besoin d’une clé, moi, ta grande amie?!

J’comprends, j’ai la tête dure moi aussi.

J’voulais te dire que c’était toi mon Bolide et que même ma nouvelle 2013 ne pourra jamais remplacer ce qu’on a vécu ensemble. Pardonne-moi d’avoir dû t’abandonner. Je ne me suis pas retournée, j’avais les yeux pleins d’eau. Trop pleins.

Comme tu m’as laissé ta précieuse plaque, j’ai pensé te laisser notre CD préf’ dans la bouche. J’espère que tu le savoures jour après jour… Et que même, ça inspirera elle ou lui à écrire quelque chose d’aussi beau avec toi.

Je t’aime.

Par Coralie Fortin-Bohémier

Marie-Ève Joseph

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