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J'ai frôlé la folie

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En 2012, j’ai vécu ce que 99% des femmes de ce monde vivent au moins une fois : une situation où un homme tente de lui faire comprendre sa place de subordonnée, que cela soit fait de manière agressive ou non, dissimulée ou non. Sauf que pour moi, ça a dégénéré.

Une crise. Un fil qui ne s’est pas touché dans son cerveau. Ma terreur. Sa haine. Ma tête qui percute la céramique. Son poids double du mien qui me compresse au sol. Mon impuissance. Et puis le vide.

Le vide. La perte de mes sens. La perte de ma tête. Un instant d’effroi tellement intense qu’il a réussi à chambouler mon intérieur, ma manière de voir la vie, de voir les autres, de voir les hommes. Ce que ma tête a fait le choix d’oublier, mon corps se faisait un devoir de me le rappeler; se crisper au moindre toucher, sursauter au moindre mouvement ou bruit soudain. Ma manière naturelle de me comporter et de penser était soudainement mise dans l’ombre de mon nouvel esprit tourmenté qui ne se reposait pas la nuit.

J’étais bien, j’étais heureuse, je faisais mon possible sans souhaiter de mal à personne. La vie m’a pourtant prouvé que le bonheur vient avec un prix : celui de pouvoir être chamboulé à tout moment. La conclusion tirée de cet événement traumatique fût celle que je n’étais en sécurité nulle part, et que je devais m’armer, au sens propre et figuré, en conséquence.

Si les séquelles physiques ont fini par s’estomper à la suite de plus d’un an de réhabilitation, mon état d’hyper-vigilance, lui, ne faisait que commencer.

Si un événement aussi traumatique a pu se produire dans un milieu qui m’offrait un sentiment de sécurité et d’appartenance depuis longtemps, par une personne envers qui je n’avais jamais fait de mal, et ce, au grand jour, je n’étais plus à l’abri de rien, right?

J’ai continué à voir mes amis. J’ai éventuellement repris l’école et un travail. J’ai voyagé. Je ne me suis pas fait crisser-là par mon amoureux qui est aujourd’hui mon mari, malgré mes multiples crises et mes sautes d’humeur constantes. De l’extérieur, j’avais l’air normal, en tout cas, pas moins que d’habitude. Peut-être un peu plus farouche, réactive.

Personne ne se doutait qu’intérieurement, j’examinais chaque lieu où je me situais afin de calculer chaque issue de sortie, prévue à cet effet ou non; que je prévoyais toujours un plan A, B, C en cas de tuerie, d’agression, ou d’alerte à la bombe; que je courais de l’arrêt d’autobus jusqu’à chez moi pour rapidement me barricader avec le couteau du chef prêt à éventrer un potentiel assaillant; que mon partner préféré au lit était mon bat de baseball neuf; que si mes voisins avaient de la visite, ou que je ne reconnaissais pas un char, je trouvais ça suspect. Tous les visages finissaient par se ressembler, à avoir quelque chose de louche, un potentiel à me faire du mal. Je sentais qu’on me suivait. J’ai quitté de nombreux emplois, random de même, de peur qu’une petite mésentente atteigne le next level de moi sur une civière d’hôpital, encore plus fucked-up que je l’étais déjà.

Mes proches ont tantôt essayé de me raisonner, tantôt sorti la carte de « t’as trop d’imagination ». Je ne sais pas ce qui était plus difficile : gérer ma paranoïa ou tout faire pour ne pas qu’elle transparaisse dans mes interactions quotidiennes.

Le moment où j’ai reconnu que j’avais sérieusement besoin d’aide, c’est lorsque je magasinais avec un ami à qui j’ai demandé où je pouvais acheter une perruque. « Une perruque? », m’a-t-il répondu. « Bah, oui, pour porter quand je prends le bus tard le soir et éviter qu’on me reconnaisse ou qu’on me trouve belle. » Ce fût ma réponse. Pour la première fois en 3 ans, j’ai éclaté de rire. Un rire qui s’est transformé en larmes. J’étais officiellement dingue.

Ce fût le début de la fin. Ma petite sœur qui étudie en psychologie m’a référée à une professionnelle spécialisée en trauma. Elle a su m’orienter vers la ressource idéale : une femme de cœur, à mon image, pour qui le bureau très feng shui a été ma première bouffée d’air frais depuis trop longtemps, un lieu où je pouvais baisser mes gardes.

Elle m’a expliqué que malgré mon scepticisme, je n’allais pas vivre en hyper-vigilance pour toujours et que je ne souffrais pas d’une maladie mentale; je souffrais, point. Avec elle, j’allais retrouver une qualité de vie, malgré l’enracinement profond de ma méfiance humaine.

C’est ainsi que j’ai appris qu’un état de stress post-traumatique (ESPT) n’était pas seulement une condition qui afflige les vétérans de guerre, que trop de gens dans ce monde parfois bestial ont eu peur : peur de mourir ou peur en côtoyant la mort. Une peur qui glace le sang, qui te laisse des séquelles tant physiques que psychiques; une peur qui produit des effets à long terme que personne ne peut comprendre, mais que tant de gens se permettent de juger.

Mot lumineux de la fin parce qu’il ne faut jamais cesser de croire aux licornes et aux arcs-en-ciel :

Si j’affectionnais la nature et les animaux avant les événements de 2012, depuis, ils me sont essentiels. Pour ceux qui, de près ou de loin, se sentent interpellés par le ESPT que j’ai relaté ici, sachez que les chiens, entre autres, offrent un réconfort et un sentiment de sécurité sans égal. La fondation québécoise Chasam reconnaît l’importance de cette ressource et entraîne des chiens de service depuis 2014 pour venir en aide aux gens atteints d’ESPT et de troubles connexes. D’autre part, les balades en nature, elles, nous éloignent du stress des villes, diminuent les scénarios internes grotesques et apaisent l’esprit.

Ne combattez pas seuls, et surtout, ne considérez jamais votre souffrance comme permanente, même en perte totale de repères. Il existe des gens extrêmement outillés qui vous aideront à recommencer à fonctionner normalement, peut-être même avec beaucoup de résilience, mieux qu’avant. Ça a été le cas pour moi.

#peaceout

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