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J’avais le goût d’un popsicle – Par Noémie

Il est 22h22 et j’ai le goût d’un popsicle.

Il pleut mais c’est pas grave parce que de toute façon, ma lâcheté se promène jamais à pied.

C’fait que j’embarque dans mon char et je prends même pas la peine d’arrêter voir s’il y a ma sorte au dep chinois juste à côté de chez moi. C’que je cherche c’est les Cyclone en gros twist bleu-blanc-rouge et je veux dire, je pense que le monsieur asiatique a jamais pensé à acheter autre chose que des Mister Freeze mauves et des Drumstick à six piasses le cornet.

So, direction downtown Limoilou parce que c’est sûrement la cité ayant la plus grande variété de dépanneurs du monde.

1er arrêt : Épicerie chez Paul. Pas de Cyclone. Juste un gars avec un T-shirt Parasuco trop serré et un vieux monsieur barbe-grise-bandana-rouge qui a pas l’air fiable fiable.

2e arrêt : Tabagie Tremblay. Fermé. Ok, c’est bon, mais ça sert à quoi dans vie un dépanneur qui ferme à 22h? À rien, nada, niet pantoute. Sauf peut-être aux gratteux-addicts et buveurs/sniffeurs de Coke compulsifs des appart’ à 200 piasses du not so jet-set Limoilou.

Je fais un dernier essai. Sinon fuck that, je m’arrangerai avec un sac de jujubes en grenouille ou un paquet de skittles sûrettes.

3e arrêt : Dépanneur GEM. Ouvert. Direction et espoirs pour le frigidaire bleu à portes coulissantes.

Y’EN A. Cool. J’en prends un, celui du fond et évidemment, je vérifie qu’il est pas brisé. Je l’amène à l’Arabe derrière le comptoir.

-Avec un gratteux à 50¢ s’te-plaît.

-Twois dollah vingt, souplaît.

Esti, j’ai juste deux piasses. Pis même sans le gratteux, j’ai pas assez pour m’acheter mon foutu cyclone.

-Okay, on fait un deal. (Je lui sors mon lighter) Si je réussis à le lighter 10 fois de suite sans manquer une shot, tu me laisses le gratteux. Si je gagne de quoi, je te paye c’qui me manque pour le popsicle, plus le 50¢ pour le gratteux.

Il a l’air de me trouver ben drôle. Mais pas assez parce qu’il me répond :

-Ha Ha, no, no, no!

-Enweye, s’te-plaît.

-C’est Twois dollah vingt, mahdame.

-Mais, chek, j’ai juste deux piasses. Come on, au pire tu perds 50¢, au mieux tu gagnes twois dollah vingt. C’est un bon deal, enweye.

Il a l’air de trouver ça vraiment drôle. Je dois avoir l’air d’une folle crinquée ben fort sur la peanut ou queq’chose.

-Vous êtes comique mahdame. Ha Ha. O.k. mahdame. Alloumez votwe lighter, mahdame.

Je venais juste de le fuller de gaz pis de changer la pierre. Je fume même pas en plus, c’est juste pour le fun de mettre le feu quand ça me tente. Et pour si je me perds dans le bois. On sait jamais t’sais.

Feque l’Arabe me regarde. Un peu moins crampé de rire que tantôt. Premier coup. Réussi. Deuxième coup. Réussi. Troisième coup. Réussi. Quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième coup. Réussis. Et là, veux, veux pas, le stress embarque. Neuvième coup. Réussi. Dixième coup. RÉ-U-fucking-SSI.

-Héééé, yes. Passe-moi le gratteux.

-Ha Ha. Blavo, mahdame. Vwala mahdame.

Dieu que j’suis fière de moi. Mais, là faut que j’gagne au moins deux piasses. Je gratte.

OH DEAR GOD. 350 GROSSES PIASSES SALES.

L’Arabe capote ben raide. Y’en revient pas, comme dirait mamie. Moi je braille quasiment. Non là, mais je suis très foutuement contente.

-Wooooooouhou! Feque j’peux te payer mon gratteux, pis mon popsicle. T’as bien faite de me faire confiance toé, t’as-tu vu ça! Twois cent cinquant’dollah!

-Ha Ha Ha Ha! Blavo mahdame, la chance vient de tomber sur votwe tête. Voici votw’algent.

-Check, j’te rembourse, pis j’te donne 20 piasses en plus. Tiens. Parce que dans le fond, c’est grâce à toi toute ça. Merci monsieur! Bonne soirée là!

-Bonne soawlé, mahdame!

J’appelle deux trois amis, on s’en va au Pub Limoilou. Je leur paye la bière à volonté. On a des cours demain, mais on s’en fout, l’alcool est gratis, la musique est bonne, et les gars de l’université sont vraiment pas désagréables à regarder.

Le lendemain matin, je suis hangover. J’ai la vie au bord des lèvres et je suis sur le point de vomir toute la bière et le popcorn d’hier, pis les pichets en plastique avec.

J’arrive en retard à l’école. Je m’assis avec les regards de tout le monde qui ont l’air de se demander si je viens d’apprendre que je vais mourir ou si je viens de me fumer un méchant gros joint. Je sens la robine. Je me concentre de toutes mes forces pour pas dégueuler et pour essayer de me souvenir de ce qui s’est passé lors des dix dernières heures. Les choses me reviennent.

Je mets mes mains dans les poches de mon manteau.

Dans celle de gauche, c’est mouillé, c’est collant.

C’est mon Cyclone.

Fondu.

Esti.

Alexe Raymond, réviseure, raymond.alexe@gmail.com

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