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Les murailles à Soucy

« Comment te raconter » commence l’un des chapitres d’Erika Soucy dans son roman, Les murailles. C’est le récit d’une fille, Erika, qui s’en va retrouver son père et vivre tout autour pendant une semaine. La fille est poète, le père travaille sur un chantier. Ensemble, mais pas tant, ils s’apprivoisent à nouveau, parfois autour d’un Pepsi, parfois autour d’un Breezer à l’orange, mais surtout, Erika découvre dans les mots des gars avec qui il travaille, des femmes qu’il côtoie, les lieux de l’univers de bottes à caps de ce géniteur absent, presque étranger.

Isolée sept jours, loin de son chum et de son enfant pour la première fois, Erika se dégêne le « parlage » avec une palette d’individus qui gravitent à La Romaine, au nord de Havre-Saint-Pierre, sur la Côte-Nord. Dans le but d’écrire un recueil, elle se fait curieuse, elle étudie, délicatement, quasiment par en dessous, ces gens qui tisseront la toile de son séjour. Ces hommes aux allures farouches avec qui elle partage ses repas à la cafétéria, les cantinières aux mots et aux yeux sur les réchauds, les Indiennes qui font le ménage des roulottes où elle a établi résidence, la barmaid en peine d’amour; les personnages racontés par Erika sont frottés, polis comme des pierres brutes qu’on voudrait faire briller comme des joyaux. Pis ça marche. En crisse à part de ça.

Y’a de la tiraille dans le récit de Soucy, mais jamais sans la tendresse qui vient balancer l’objet. Elle pogne le vernaculaire de la place en arrivant sans jamais que ça ne desserve le récit. Du vernis rose pâle des ongles d’une femme de chantier rencontrée au hamburger à la boulette de marde qu’elle imagine servi à la cafétéria. À l’endroit où on se croirait perdu dans un désert sans spectacle, Erika nous fait défiler l’humanité vive de ces gens, décrits dans les petits gestes, aux rides d’un œil qui rit doucement.

Elle nous rend complice dans son voyage de la fille jusqu’à son père, vers une réconciliation avec une fin à l’image du roman. En mettant de l’avant les grosses mains rêches pour, subtilement, y glisser la douceur d’une belle histoire.

Les murailles est le premier roman d’Erika Soucy, publié chez VLB éditeur. Elle a aussi publié deux recueils de poésie, L’épiphanie dans le front et Cochonner le plancher quand la terre est rouge, et elle est également cofondatrice et directrice artistique du Off-Festival de poésie de Trois-Rivières qui fêtera ses dix ans en 2016.

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