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Noël seule

— Pis, t’as-tu un p’tit chum?

Arriver dans la parenté avec les mains vides, ou le cœur vide, c’est selon, est une fine mission d’orgueil. Pour des gens qu’on ne voit parfois qu’à des occasions spéciales; fêtes ou, au mieux, funérailles (on y prend moins de poids), on se doit de répondre comme un reflet de notre parcours personnel en présentant comme une offrande païenne une personne avec qui on partage notre vie. Et idéalement suivre un chemin traditionnel tracé par d’autres, parce que c’est rassurant.

Encore bon d’arriver avec le p’tit chum ou la p’tite blonde, un coup ben matchée avec une durée de vie commune qui rentre dans le bon goût ce sera « Pis, avez-vous des enfants? Quand est-ce que vous allez nous faire des enfants? » Afin de clore le bec à mononc’ Marcel ou tatie Jacqueline, il faudra alors procréer. Se faire venir dans le ventre pour y faire pousser un bébé, qu’y faudra, lui aussi, présenter au monde une fois sorti. Comme un passeport de validité sociétale à qui il faut changer des couches. Et puis pas longtemps après, ce même bébé devra à son tour présenter son petit chum ou sa petite blonde. Un cycle continu de monde qui n’a rien de bon à dire à part, toujours, cette crisse de question…

— Pis, t’as-tu un p’tit chum?

Je ne veux pas être Maria Chapdelaine. Le roman de ma vie, c’est pas un pool de trois gars qui veulent être mon prétendant (allez lire le livre pour catcher la référence). Il y a d’autres pans à l’existence humaine grâce auxquels il reste possible de se réaliser, Marcel. Pas de danger que tu me demandes comment va mon travail ou quel livre j’ai lu récemment ou comment le sort de ce monde horrible régi par des gouvernements de terreur peut influencer mes perceptions de vie et du sort de l’humanité, non. Tu me demandes si j’ai un p’tit criss de chum.

C’est là mon point de fuite, mon salut, ma fierté de femme en devenir. Tu le sais-tu, Marcel, quand tu me demandes ça, à quel point ça peut être condescendant? Han? C’est quoi, si j’ai pas de chum, c’est que je suis vieille fille, et à quoi de bon une femme seule peut arriver dans vie? Han? C’est-tu ça que tu me dis? Si on était au réveillon de l’an 1825, et que je répondais « Non » quand tu me demandes si j’ai un p’tit tabarnak de chum, me crisserais-tu dans le feu d’un bûcher comme sorcière? HAN? J’te fais-tu peur avec ma liberté, mononc’? Ça t’angoisse de m’voir me promener la noune en liberté, que je parcours le monde nu-cul dans un champ d’pénis ? Han? Tu chies-tu dans tes culottes en fortrel de t’imaginer toutes ces nièces du monde qui refusent de se matcher rien que pour mieux en parler à Noël? Ben oui, c’est sûr que l’hiver est frette et que le lit est grand quand on est tu seule, ce que j’essaie de te dire, Marcel, c’est, as-tu quelqu’un à me présenter? Je serai pas regardante.

Pis Joyeux Noël, Marcel.

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